TANIA dutel « l’humoriste de l’intime »
EXCLU WEB HUMOUR

TANIA dutel
« l’humoriste de l’intime »

Elle est celle que beaucoup surnomme « l’humoriste de l’intime ». Pour son franc-parler, pour son audace et pour tout ce qu’elle a de plus sincère. Il y a quelques jours, elle remplissait le célèbre théâtre parisien La Scala. Quelques mois plus tôt, elle enchaînait les représentations dans une salle de la capitale bien connue pour recevoir toutes les pépites de l’humour français, l’Européen. Depuis, elle promène son spectacle, très justement intitulé Les autres, aux quatre coins de l’Hexagone. Pour notre plus grand bonheur, elle sera de passage à la Comédie de La Rochelle le 26 mai prochain, et puisque nous sommes toujours dans les bons coups, nous l’avons rencontré pour vous à l’aube de cette date Rochelaise. Mesdames et Messieurs, Tania Dutel.

Depuis janvier dernier, vous êtes à nouveau sur toutes les routes de France avec votre dernier spectacle en date : Les autres. Un seul en scène qui s’articule donc autour du rapport qu’on peut avoir aux autres. Et vous, vous dites que « ces autres » vous « pourrissent la vie ».

Comme tout le monde je crois, j’ai beaucoup souffert du regard des autres. Pendant longtemps, dès que je vivais quelque chose de fort, ou de grave, je n’osais pas trop en parler par peur du jugement des autres. Et au fond de moi, je pense que j’ai toujours su que cette peur me rongeait de l’intérieur, mais la réelle prise de conscience à ce sujet, je l’ai eu pendant le premier confinement. J’étais justement en train de réfléchir au prochain spectacle, et je me suis rendue compte que j’en avais marre de faire attention à ce que les autres diraient de ce nouveau show. C’est là que je suis entrée dans une grosse phase de réflexion à ce propos.

Ce nouveau show part donc d’une constatation assez simple finalement : nous avons tendance à ne vivre que pour les autres. Un travers dans lequel vous étiez tombée. C’est terminé aujourd’hui ?

Je me suis vraiment échappée de ce travers aujourd’hui. D’ailleurs, le message que j’essaie de faire passer à la fin de ce spectacle, c’est que la honte est le sentiment que nous, êtres humains, avons le plus de mal à aborder. Pourtant, c’est exactement de lui dont il faut se libérer pour avancer. Et, personnellement, je pense que je m’en suis libérée grâce à la scène. Aujourd’hui, je suis très « accords toltèques ». Je pars donc du principe que j’ai raison, mais que l’autre aussi. Et que chacun a donc sa propre interprétation de telle ou telle situation. Résultat des comptes, je ne cherche plus à faire changer les gens d’avis : je m’en fiche complètement !

On a souvent lu de vous que vous aviez manqué de vie sociale à une période bien précise de votre vie. Diriez-vous donc que vous êtes de nature solitaire, ou bien que c’est plutôt la vie qui vous a poussé à le devenir ?

Au départ, je ne suis pas du tout solitaire. Au contraire même ! J’ai effectivement eu une phase de solitude au début de ma carrière, parce que je me suis consacrée au stand up. Je passais ma vie entre l’écriture, et les représentations en Comedy club. Bien sûr, j’y voyais du monde, mais en dehors de ce lieu j’étais seule. J’écrivais et je jouais : fin de l’histoire. Surtout, dans le Comedy club que je fréquentais principalement à l’époque, je me suis très vite rendue compte que l’ambiance était extrêmement misogyne. Et je ne voulais absolument pas faire partie de ce système. Donc je me suis isolée.

Justement, aujourd’hui, on apprend que les Comedy Club n’ont pas toujours été des safe place pour les femmes. Et il en va de même pour le milieu du stand-up. Diriez-vous que les choses ont changé aujourd’hui ?

Oui, ça a beaucoup changé. Aujourd’hui, on programme beaucoup plus de femmes dans les plateaux d’humour. Il y a aussi beaucoup plus de femmes qui tentent leur chance dans cette discipline, on est donc de plus en plus nombreuses sur la scène stand-up. Et puis, il faut aussi noter que le public demande de la parité. Donc aujourd’hui, si une femme est plus forte et plus drôle qu’un homme, elle est valorisée et elle est peut exister. Quoi qu’il en soit, pour ma part, je me sens entièrement à place aujourd’hui.

On dit souvent de vous que vous êtes « l’humoriste de l’intime ». Peut-être encore plus dans ce seul en scène dans lequel vous abordez des sujets qu’on pense encore tabou aujourd’hui, même en 2023… À commencer par la sexualité féminine.

Quand j’ai commencé à parler ouvertement de sexualité sur scène, c’était il y a sept ans. Et là, c’était vraiment très compliqué. J’avais l’impression d’être en guerre à chaque fois que j’abordais le sujet. Aujourd’hui, les mentalités ont beaucoup évolué. La parole est bien plus libre, et les questionnements aussi. Le fait de parler de sexualité en société est entré dans la norme, donc, par ricochet, c’est aussi une normalité qu’on puisse en parler en stand-up. D’ailleurs, si mon public pouvait être féminin à mes débuts, il l’est de moins en moins. Petite anecdote à ce sujet : il y a quelques mois, j’ai joué dans une salle dont le directeur avait de gros aprioris sur moi. Et en fait, après avoir vu mon spectacle, il est allé voir mes équipes pour leur dire que mon show s’adressait d’abord aux hommes. Pourquoi ? Parce que je rentre dans les détails, mais que je ne m’attaque pas à eux. Et là est toute la nuance. Il y a quelques années de cela, certaines humoristes féministes avaient encore tendance à taper sur les hommes, et ils se sentaient donc agressés. Aujourd’hui, les choses ont changé. En tout cas, ce n’est pas comme ça que j’ai construit mon spectacle. Nombreux sont ceux qui viennent me trouver à la fin du spectacle pour me dire qu’ils ont appris beaucoup de choses. Et pas seulement sur la sexualité féminine !

Donc ce n’était pas forcément un parti pris de votre part d’aborder cette question, parfois encore épineuse, dans votre spectacle ?

En tout cas, je ne l’ai pas envisagé comme ça. J’avais juste envie d’aborder plusieurs thématiques fortes, dont celle-ci. J’ai écrit ce spectacle très rapidement parce que j’avais encore des dates de mon ancien spectacle programmées à cause de la pause du Covid. Mais je n’avais plus du tout envie de le jouer, et donc j’en ai écris un nouveau. J’ai commencé par 50 minutes de nouveautés, écrites en deux mois, et aujourd’hui Les autres dure 1h20.

Ce n’est pas la première fois que vous entrez dans le vif des sujets sur scène. Déjà dans votre précédent spectacle, vous n’hésitiez pas à aborder des thématiques dites tabous. Avez-vous l’impression que vos propos sont mieux reçus aujourd’hui ?

Il y a toujours des réactions de choc ou de dégoût c’est indéniable (surtout sur des sujets purement anatomiques…). Mais étrangement, j’ai remarqué que les réactions, du moins vocales, venaient très souvent des femmes. Et ça, ça me choque pas mal personnellement. D’ailleurs c’est très simple, si vous regardez les commentaires que je reçois sur les réseaux sociaux, vous verrez que la plupart des gens qui me critiquent, ou qui se permettent de commenter mes sketchs, sont des femmes. J’ai discuté avec une anthropologue de cette réaction, et elle m’avait expliqué que comme j’abordais des sujets censés être tabous, je me permettais des choses que la plupart des femmes, à qui on a dit enfants qu’elles ne devaient absolument pas parler de ces thématiques, s’interdisaient elles-mêmes. Et que, par conséquent, elles me reprochaient de me permettre se qu’elles n’ont jamais osé par éducation, et par peur du jugement des autres… Encore lui !

Vous qui êtes actuellement en tournée dans toute la France, avez-vous l’impression que vos propos sont reçus différemment en fonction des lieux dans lesquels vous jouez ?

J’avais vraiment peur de ça au début. Je me demandais si mon spectacle allait être aussi bien reçu dans les métropoles françaises qu’à Paris. Mais je me suis très vite rendue compte qu’il n’y avait aucun rapport entre les deux. La seule différence est la suivante : est-ce que les gens me connaissent ou non ? Car, si ce n’est pas encore le cas, et que le public est plutôt un public d’abonnés, c’est là que ça peut devenir plus compliqué. Parce que les gens ne savent pas encore ce qu’ils viennent voir. Ça ne veut pas dire que ça l’est systématiquement, mais quand ça l’est, ça vient uniquement de ça, et non pas du lieu dans lequel on se trouve.

À ce propos, quel rapport entretenez-vous avec la tournée ?

Finalement, je suis en tournée avec ce spectacle depuis septembre 2021. Pourtant, si j’adore le moment où je suis sur scène et où je vois les gens, je n’aime pas vraiment tout ce qui va avec la tournée. Je voyage seule, je dors seule à l’hôtel, je ne rejoins mon régisseur qu’au moment où je rentre dans la salle. Comme je vous le disais, je ne suis pas une grande solitaire. Je peux parfois être mal à l’aise en société, mais j’aime voir du monde. Et la tournée me le permet peu au final. En revanche, je suis beaucoup partie en tournée avec Verino, pour faire ses premières parties, et j’adorais ça. Simplement, moi seule, je ne suis pas à l’aise.

Et La Rochelle, où vous jouerez le 26 mai prochain, vous connaissez un peu ?

Un tout petit peu ! J’y suis allée une fois en voyage quand j’étais ado. Mais c’est la première fois que je viens y jouer mon spectacle.

Si je vous dis La Rochelle, vous pensez à… ?

Je pense aux méduses sur la plage, je pense aux Tours de La Rochelle, je pense au Pont Transbordeur de Rochefort. Et, bien évidemment, je pense à Fort Boyard. Je rêve de faire cette émission, parce que quand j’étais enfant, j’adorais regarder ce programme. D’ailleurs, quand je suis venue à La Rochelle plus jeune, j’avais eu la chance de faire un tour de bateau autour du Fort. Et cerise sur le gâteau : j’avais rencontré La Boule au détour d’un grand magasin !

Crédits :

Tania Dutel, Les autres, à la Comédie de La Rochelle le 26/05/2023.

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Interview et rédaction : Tess Annest
(c) photo : Patrick Fouque