Seth Gueko
le plus tatoué des Malabar
Il y a des personnages qui ne laissent pas indifférents. Bâti comme un colosse grec suite à la transformation physique intensive qu’il s’est imposé pour les besoins de la pochette de son dernier album, le visage presque intégralement recouvert de tatouage, Seth Gueko n’a pas exactement le profil du gendre idéal.
Mais ce grand gaillard à l’air patibulaire et à la gouaille digne d’Audiard est bien loin de n’être qu’un simple malabar. Entre poète moderne, et punchlineur de l’extrême, rencontre avec le « roi des barlou» au salon du tatouage de Limoges, pour un showcase exclusif.
Un entretien à cœur ouvert qui prouve une fois de plus que l’habit ne fait pas le moine.
« Pour moi, il n’y a rien de plus viril que de laisser sa femme prendre toute sa place. »
– Seth Gueko, tu es ici dans le cadre d’un showcase pour la sortie de ton 7ème album, « Mange Tes Morts », et tu as déjà derrière toi près de 25 ans de carrière. Comment en es-tu arrivé au rap ?
J’ai commencé à m’intéresser au rap dès l’enfance. J’ai grandi avec des grands frères marginaux, des punks qui écoutaient des musiques très en marge, comme le ska jamaïcain et le rock alternatif français. Ce sont des styles qui sont étroitement liés aux débuts de la musique rap, et notamment sur le discours. Au début, le rap était une musique libertaire, qui passait un message.
– Tes fans, tu les appelles les « barlou ». Tu peux nous expliquer d’où ça vient ?
« Barlou » c’est un petit nom affectueux que j’ai inventé. J’aime bien triturer les mots dans tous les sens. Et « barlou », c’est loubard en verlan. Un terme généralement associé au rock, mais dans un langage affilié au rap. Une passerelle de plus entre ces deux univers.
– Tu fais souvent le rapprochement entre le rock et le rap. Comme si tu voulais relier les deux en permanence, pour ne pas avoir à faire un choix entre les deux cultures…
De par mes influences et ma culture, je suis très proche du rock. Je dis souvent que je ne suis pas un rappeur qui fait du rock, je suis un rockeur qui fait du rap. Toute ma jeunesse j’ai écouté des groupes comme les Béruriers Noirs, ou Ludwig Von 88. Et je me sens aussi très proche de la culture « white trash »; c’est intéressant car c’est une sorte de fusion entre les scènes rock et rap.
– Le grand public te connaît grâce à des morceaux comme « Patate de forain », qui sont presque humoristiques. Mais dans tes textes, on a d’un côté des paroles parfois très vulgaires, et d’autres qui sont profondément éthiques, et poétiques. Comment est-ce qu’on fait la synthèse de ces deux aspects là ?
Certaines personnes sont attirées par le personnage, l’univers et tout ce qu’il y a autour, mais ne s’intéressent pas forcément aux textes. Parfois, la vulgarité ou l’humour cannibalisent l’aspect plus pur et réfléchi. Donc les gens passent à côté des choses. Ils entendent des grossièretés et ça les satisfait. Pourtant j’aborde aussi de nombreux sujets plus profonds, comme les violences faites aux femmes ou la protection des mineurs. Souvent je me dis que le personnage a pris le pas sur la musique.
– Justement, de par ce personnage, et aussi cet univers que tu as créé autour, tu passes souvent pour un gros dur, qui intimide et qui fait peur. C’est quelque chose que tu entretiens ?
Bien-sûr, j’en joue énormément ! En réalité, je ne suis pas du tout comme ça. Mais ces derniers temps, je commence un peu à casser cette image-là. Je fais des interviews avec ma femme, je parle de mes animaux, je montre que derrière le gros dur il y a un cœur tendre. Et ça dérange beaucoup certains virilistes, qui s’identifiaient à mon personnage et qui pensaient que j’étais l’archétype du misogyne. Mais c’est très loin d’être le cas. Aujourd’hui, je trouve ça intéressant de dévoiler la personne qui se trouve derrière le masque.
– Tu es propriétaire d’un salon de tatouage à Pontoise, mais tu as aussi 3 restaurants, tu as ouvert un bar à Phuket, tu as même créé ton propre label… Tu es donc un véritable businessman. C’est quelque chose dans lequel tu t’épanouis ?
J’aime entreprendre, ça me plait. Et ça vient naturellement, au fil des opportunités qui se présentent. Je n’ai aucune formation dans le domaine, c’est inné, j’ai le sens du commerce. Et ça me permet d’être proche des gens. A l’inverse de certains rappeurs qui jouent la starification pour instaurer une distance avec le public, moi je préfère l’esprit de franche camaraderie.
– Dans ton dernier album, il y a un titre qui s’appelle Last Album. Est-ce que ça sera vraiment le cas ?
Ça sera mon dernier album, peut-être, mais ça ne sera pas mon dernier mot.
CREDITS :
Album Mange Tes Morts, disponible chez Zdedededex Music / Allpoints
Interview : @mel.beguier
Photos : @lambert.davis