« Quand tes vannes sont plus vieilles que tes enfants, c’est qu’il faut changer »
De passage à l’Arena de Poitiers le 25 mars dernier, Redouane Bougheraba a une nouvelle fois fait parler sa verve, sa répartie et son sens de la punchline face à un public venu pour se faire vanner. Sympa, l’humoriste en a également profité pour nous parler de sa relation à la scène.
Quiconque t’a déjà vu sur scène sait à quel point tes spectacles reposent davantage sur l’improvisation que sur l’écriture. C’est une façon de te mettre en danger chaque soir ?
L’écriture, ce n’est tout simplement pas ma façon de travailler. Mes blagues naissent sur scène et vont s’améliorer à chaque répétition, en me focalisant sur leur rythme, sur ma respiration, sur le timing. C’est un travail dont on n’a pas nécessairement conscience, mais cela prend beaucoup de temps de développer une blague, de la rendre efficace. Entre l’idée de départ, celle que le public découvre lors des premières représentations et celle que l’on garde, il y a beaucoup de changements, de modifications.
Cela demande une certaine forme d’assurance, non ?
Petit, j’étais plutôt introverti… Je m’exprimais surtout via les caricatures. C’est d’ailleurs le dessin qui m’a fait comprendre que je pouvais être drôle. Puis, j’ai pris des cours de théâtre, ce qui m’a permis d’aller plus loin dans l’humour. Quant à mes spectacles, il faut savoir qu’il n’y a que mes interactions avec le public qui sont improvisées, soit entre 15 et 30 minutes. Si je sens que le feeling ne passe pas, ou que je n’ai pas d’inspiration, j’arrête et je reprends le fil du spectacle. D’où l’importance d’avoir un fil conducteur, ne serait-ce que parce que l’on ne peut pas être bon en impro chaque soir. Parfois, ça va moins bien dans notre vie, on le ressent, mais la trame nous permet de rester pro et d’offrir au public ce qu’il est venu chercher : du rire.
« Il y a forcément de la péremption dans l’humour, surtout lorsqu’on rebondit avec l’actualité, que l’on fait face à des invités sur un plateau »
Dans ton entourage, il y a notamment Roman Frayssinet, Djimbo et Ahmed Sparrow. C’est important d’avancer en bande ?
C’est clair que j’ai la chance de faire partie d’une famille artistique assez forte. D’autant que Roman m’a ouvert les portes à une époque où j’étais capable de jouer dans le métro. C’est une chance, mais il ne faut pas croire que cela suffit à exister dans ce milieu. Il n’y a que le talent et le travail qui comptent.
N’est-ce pas trop frustrant, parfois, de savoir qu’une blague, aussi excellente soit-elle, ne pourra exister qu’une fois ?
Non, c’est le jeu. Il y a forcément de la péremption dans l’humour, surtout lorsqu’on rebondit avec l’actualité, que l’on fait face à des invités sur un plateau, etc. Et puis, le but, c’est de se renouveler en permanence. Ce spectacle, par exemple, je l’arrête en 2024, mais je reviens dès 2025 avec un nouveau. L’idée, ce n’est pas de rester bloqué dans un spectacle. Quand tes vannes sont plus vieilles que tes enfants, c’est qu’il faut changer.
La vérité, c’est que tu as finalement percé assez tard. Vois-tu cela comme une chance ?
Disons que ça me permet aujourd’hui de mieux gérer les affres de la célébrité. J’ai mangé mon pain noir pendant 20 ans, j’ai joué dans des chichas, des restaurants, des mariages, je sais ce que c’est que de trimer. À l’inverse, j’ai vu des collègues grimper hyper rapidement et ne pas réussir à le gérer. L’important, en fin de compte, c’est d’être bien entouré.