Phoenix
La fête nationale !
Le feu d’artifice du 14 juillet aux Francofolies de la Rochelle, ce sont les rois de la french pop qui se chargent de l’allumer. Leur chanteur Thomas Mars nous raconte les retrouvailles du groupe pour Alpha Zulu, son septième album paru en 2022, et les clefs d’un succès international gagné malgré… un malin plaisir à brouiller les pistes !
Comment vous êtes-vous lancés dans Alpha Zulu ?
Quand on commence un album, on se met tous autour d’une table, on se lance dans la musique, c’est assez thérapeutique. Le processus reste basé sur notre alchimie, on écrit tout ensemble. Au fur à mesure qu’on compose, un genre de thème apparaît. L’écrivain argentin Jorge Luis Borges a dit un jour : « je ne cherche pas le thème, je laisse le thème venir à moi ». C’est aussi un peu notre philosophie : on n’a pas d’idées préconçues, on n’a pas de concept fort. Plus je rencontre des musiciens, plus je me rends compte que c’est assez singulier comme démarche. En général, les groupes cherchent. Comme nous sommes à présent conscients de cette singularité, nous poussons encore plus dans cette direction. Pendant la pandémie, le fait qu’on pouvait se voir moins souvent rendait les moments de studio assez intenses. Il y a même eu beaucoup de moments où nous y étions tous masqués. Et puis dans le monde, tout était tellement surréaliste que l’inspiration est venue facilement. Ça m’a un peu rappelé le moment où nous avons enregistré Wolfgang Amadeus Phoenix, où l’ambiance autour du groupe était assez lourde. Nous n’avions plus de maison de disques, plus de management. Plein de gens venaient de disparaître autour de nous. Ça a aussi été le cas pour Alpha Zulu qu’on a attaqué le lendemain de l’enterrement de Philippe Zdar (moitié du duo Cassius, producteur d’albums de Phoenix et ami du groupe, NDLR). Donc lui, il était présent partout. Rien que pour lui, c’était facile de se sentir inspiré. Plutôt que de parler de Philippe, on s’est mis au boulot et la musique est venue rapidement, naturellement.
Dès votre premier album (United, 2000), on sentait une envie de partir dans un maximum de directions !
C’est vrai et Alpha Zulu est un peu similaire dans ce sens. Il y a deux raisons à ça. La première, c’est qu’on a grandi dans un monde assez clivant où on ne pouvait pas écouter Kraftwerk ET Frank Sinatra, My Bloody Valentine ET Prince. Mais plein de groupes de toute une scène anglaise ont commencé à transgresser ces principes. Je crois que ça tient au fait que Kraftwerk a joué une fois à Manchester, et tous ont pété un câble en voulant devenir Kraftwerk alors ce n’était pas leur culture. Du coup, des groupes comme Primal Scream se sont mis à débarquer sur scène avec des choristes, un saxophone, des trucs impossibles à l’époque. On a joué avec ça à fond. Ça nous a inspiré un solo de guitare à la Van Halen sur Funky Squaredance, ou le saxophone de Definitive Breaks.
La deuxième raison, c’est qu’on faisait de la musique dans notre home studio. D’un seul coup, on pouvait faire un disque à la maison, mais on avait peu de choix d’instruments. Il fallait faire donc façon système D. Un morceau comme Definitive Breaks est né parce qu’on était dans l’urgence et qu’on avait telle boîte à rythmes qui nous était prêtée pendant deux jours et pas une autre. Il fallait faire un morceau avec celle-ci. United, c’était donc un mélange de liberté totale et de pression due au fait qu’on était dans notre chambre pour enregistrer. On avait un compresseur qui coûtait 100 francs, le même que celui de toute la french touch. Avec les Daft Punk et Air, on se prêtait des instruments, on s’en échangeait aussi.
Cette difficulté à vous classer, est-ce une raison de votre reconnaissance tardive en France ?
Oui, et on l’a bien cherché ! On brouillait les pistes et on continue. Aux États-Unis par exemple, ils nous ont découvert avec l’album Wolfgang Amadeus Phoenix, un gros succès. Mais dès les suivants, on s’est mis à de nouveau brouiller les pistes, comme quand on a chanté en italien sur Ti Amo. On a donc un côté très taquin.
Consciemment, on cherche un peu à semer le doute. On ne peut pas s’en empêcher, mais c’est vrai que sur United en particulier, on avait fait fort. Je me souviens que ma grand-mère a voulu l’acheter à la Fnac de Parly 2 mais ne l’a trouvé nulle part alors qu’il venait de sortir. En fait, il y avait un exemplaire dans le bac variété internationale, un en chanson française, un en techno… Au final on était un peu les victimes de ne pas être clairement étiquetées. Alors qu’en Angleterre, c’était plus facile car nous étions estampillés french touch. Mais en France, on savait que le chemin serait un peu plus long.
Désormais, on voit deux générations à vos concerts !
Oui, on voit des gens qui viennent avec leurs enfants. On l’a remarqué d’abord en France et en Europe, là où les fans nous connaissent depuis United. Ça arrive maintenant aux États-Unis avec une deuxième génération de fans. Et puis on a aussi des jeunes qui découvrent notre musique sans leurs parents. Il y en a carrément qui viennent au concert parce qu’ils nous ont vus sur TikTok, entendus dans une série télé ou dans un autre programme dont je n’avais même pas connaissance.
Ça fait quel effet d’être à l’affiche des Francofolies de la Rochelle ?
On y a déjà joué une fois, j’ai de très bons souvenirs du concert. Et puis y revenir pour le 14 juillet, c’est super au niveau symbolique. Une autre raison qui nous fait plaisir, c’est de jouer le même soir que Jean-Michel Jarre que je ne connais pas personnellement. Deux membres du groupe l’ont rencontré pendant une interview et ils ont longuement parlé instruments avec lui. Il est hyper sympa !`
Par Pascal BERTIN
Album : Alpha Zulu (Loyauté / Glassnote Records)
En concert le 14 juillet aux Francofolies de La Rochelle
@wearephoenix.com
@francofolies.fr