Paul-Élie Bouthier et Pierre Renverseau Travail en courts

Paul-Élie Bouthier et Pierre Renverseau
Travail en courts

Les Niortais d’origine Paul-Élie Bouthier et Pierre Renverseau ont fait du cinéma le centre de leur vie. Après la sortie de leurs derniers courts-métrages, regards croisés sur deux expériences, deux générations, deux parcours distincts mais une même envie de projeter ses émotions sur grand écran

Vous avez des façons très différentes de faire passer les émotions. C’est très dark dans Zmiena et De la tendresse est au contraire lumineux. Quelles ont été vos idées de départ ?

Paul-Élie Bouthier : C’est l’histoire vraie d’un ami acrobate qui travaille au Cirque du Soleil à Las Vegas. Mon point de départ était d’imaginer ses émotions quand il revient en France auprès des amis qu’il a laissés derrière. J’ai imaginé des retrouvailles intimistes, délicates, pour enlever tous les clichés des mecs entre eux. J’aime la pudeur au cinéma. Il y a beaucoup de sentiments, de dialogues.

Pierre Renverseau : L’idée de départ de Zmiena, qui signifie changement en tchèque, c’est un gars qui se réveille seul dans une piaule comme avec une gueule de bois et des pensées qui l’assaillent. Mais ce n’est pas une gueule de bois… Ado, j’ai lu la même semaine La Métamorphose de Kafka et vu La Mouche de Cronenberg. C’était un hasard total. Ça m’a profondément marqué. J’avais ça dans la tête.

Où vous sentez-vous le mieux, devant ou derrière la caméra ?

PR : C’est parce que je voulais être comédien que je suis devenu réalisateur. J’écrivais des scénarios pour me filer des rôles. Faire l’acteur j’adore ça, jouer dans des petits ou des gros trucs. Être réalisateur c’est différent, tu te bats, tu es responsable, tu dois emmener tout le monde avec toi… mais pour moi c’est viscéral.

PEB : À la base je ne veux pas être comédien. Je me suis juste donné un rôle dans mon dernier film, un challenge pour sortir de ma zone de confort. Mais c’est la réalisation qui m’intéresse

Vivez-vous du cinéma aujourd’hui ?

PEB : Moi non. Je viens de signer un CDI chez Disneyland. Je suis habilleur-costumier pour des shows saisonniers. À la fin de mon école de cinéma, je me suis proposé pour être costumier dans un film de fin d’études. Ce fut une révélation. Puis j’ai appris sur le tas avec divers tournages. Mais, sans statut, c’était dur de travailler. Je ne comptais pas mes heures. J’ai accepté ce CDI qui me permet de mener mes projets à côté. Mes films sont auto-produits. J’arrive à en réaliser un tous les deux ans

PR : Je suis Intermittent comédien et réalisateur. Et je suis devenu producteur associé avec Hybrid Films à Poitiers. On est rémunéré que si on a des subventions. Tu ne fais pas de bénéfice avec un court mais tout le monde se paie. Ce sont les diffusions télé qui font la différence.

Comment financez-vous vos projets ?

PR : Je n’ai jamais eu un financement identique. Sur mon film Niort Aubagne (avec Christophe Salengro et Fabrizio Rongione en 2006) j’ai reçu 120 000 €, le soutien du CNC, un préachat de chaine… Je me suis dit que ce serait pareil pour la suite, mais pas du tout. J’ai dû avancer tout l’argent pour le suivant… Pour Zmiena j’ai touché 10 000 €, du crowdfunding, de la débrouille. Nous avons dragué Sony à mort et ils nous ont filé la même caméra que pour Avatar 2. Tout le budget est passé dans le maquillage de Jacques-Olivier Molon (pointure des effets spéciaux).

PEB : Je ne me sens pas encore professionnel. Mes équipes techniques sont des copains rencontrés sur des tournages quand j’étais habilleur et costumier. J’ai pu faire mon réseau. Je travaille avec une équipe réduite d’amis qui me suit maintenant.

Y’a-t-il des structures à Niort pour soutenir les projets de film ?


PEB
– Oui il y a Studio N, un collectif très sympa avec un bon réseau de passionnés et d’étudiants en cinéma. Je travaille avec leurs techniciens et leur loue du bon matériel.
PR
 : À l’époque il y avait Video Miettes, Video pour tous et AJC qui produisait des films Z de chez Z. On se tirait la bourre. J’ai l’impression qu’aujourd’hui les gens travaillent plus ensemble.

Est-ce que la durée est un problème quand on réalise un court-métrage ?

PEB : De la tendresse fait 20 minutes. Je n’arrive pas à faire moins. Je sais pourtant que ce serait bien pour les festivals d’atteindre 15 minutes maximum. J’ai trop de mal.

PR : Ça doit venir de ton écriture… Moi j’ai souvent eu des regrets de ne pas avoir assez coupé, jamais l’inverse. Sans le faire exprès, tous mes films font entre 12 et 14 minutes (Zmiena, 13 min).

Quel genre de réalisateur êtes-vous sur un plateau ?

PEB : Je suis dans l’échange et la bienveillance pour que chacun donne le meilleur.

PR :Pour Zmiena j’ai surtout cherché à rassurer le comédien Rurik Salle. Je peux aussi être sec mais les comédiens m’aiment bien car je suis très explicatif. En tant qu’acteur c’est la première qualité que je demande à un réal.

Est-ce que passer au long-métrage est un objectif ?


PR :
J’avais déjà écrit un scénario de long, Dans la Plaine avec Bernard Campan, qui n’a pas pu se faire. Ça s’est transformé en roman et en concert-lecture. J’ai un autre projet, c’est aussi pour cela que j’ai rejoint Hybrid Films.

Interview @charlesprovost, texte @karlduquesnoy
Crédit photos : @realkafkatamura

Making of

Durée : 75 minutes

Lieu : Dans le salon du Fort Foucault à Niort.

Ambiance : Les réalisateurs ne se connaissent pas mais se découvrent des relations communes dans ce petit milieu.

Sources

-De la tendresse @pebouthier

-Zmiena, production Têtes à Claps et Distorsion Parallèle,a reçu plus de 60 prix à travers le monde. www.pierrerenverseau.com