No One is Innoncent « Aucun combat n’est vain »

No One is Innoncent
« Aucun combat n’est vain »

Trente ans après avoir entamé leur aventure musicale, No One Is Innocent signe un retour fracassant avec Colères, un « vrai-faux best of anniversaire » qui retrace en 23 titres l’essence même de leur parcours : une fusion intense entre énergie brute et engagement profond. Actuellement en tournée pour défendre cet opus, le groupe fera escale sur la scène du Festival du Marché Gourmand le 23 aout prochain.

Votre nouvel opus, intitulé « Colères », vient de sortir. Quelles sont aujourd’hui les colères qui motivent encore No One Is Innocent ?
Ce sont sûrement les mêmes que celles de milliers d’autres : les conflits armés, la montée des populismes et des extrêmes, avec une vision du monde dans laquelle on ne se reconnaît plus. À nos débuts, il y avait une forme d’insouciance. Aujourd’hui, on porte un regard plus lucide, peut-être plus amer. On a choisi ce titre parce que ce mot revient sans cesse : dans les discussions, les médias… Il est partout. Il incarne aussi, en quelque sorte, ces trente années de lutte qui ont jalonné l’histoire de No One.

Deux nouveaux titres abordent des sujets forts : le harcèlement et les dérives politiques. Sont-ce, selon vous, les grands périls de notre époque ?
L’Arrière-boutique du mal évoque des problématiques très actuelles comme le cyberharcèlement. Quant à Dérèglement politique, on a voulu jouer sur le double sens : celui du climat bien sûr, mais aussi celui des tensions géopolitiques. Trump, Poutine… ce sont des figures qui cristallisent les conversations. Mais réduire les dangers de notre époque à ces seuls thèmes serait trop simpliste. C’est un tout, une ambiance globale d’instabilité qui nous pousse à écrire.

On parle souvent de No One is Innoncent comme d’un groupe engagé, alors qu’on a l’impression que cette dimension s’efface dans la nouvelle scène. Quelle est votre position ?
Aujourd’hui, dès qu’un artiste tient un discours un peu tranché, il se heurte à une levée de boucliers sur les réseaux. Cette crainte d’être cloué au pilori peut freiner les prises de position. L’engagement dans la musique s’est un peu étiolé, sauf chez quelques groupes comme No One ou Tagada qui ont toujours revendiqué une parole forte. Les réseaux sociaux, paradoxalement, censurent autant qu’ils donnent la parole. On vit dans une ère du consensus, où tout ce qui sort du cadre est immédiatement critiqué.

Vous avez collaboré avec le Lahad Orchestra  notamment sur le titre « Massoud », aux sonorités orientales. Peux-tu nous en dire plus ?
On avait envie de nouveauté, d’explorer d’autres textures sonores. La musique orientale nous a toujours attirés — on avait déjà travaillé avec le Barbès Orchestra, une expérience très enrichissante. Ces croisements sont passionnants, surtout dans un genre comme le métal, qui se prête bien aux mélanges culturels.

Le premier album de No One avait des accents jazz, d’autres flirtent avec l’électro… Y a-t-il des combinaisons que vous n’avez pas encore explorées et qui vous tenteraient ?
J’aimerais un jour faire un disque dans la veine des derniers Johnny Cash, notamment American IV. C’est un projet qui me fascine, mais qui n’aurait sans doute pas de sens pour No One. Cela dit, ce serait un sacré défi.

Vous avez gardé cette énergie brûlante sur scène. Comment faites-vous ?
On a toujours cette même flamme, cette envie de faire vivre nos textes et notre son. Quand on monte sur scène, impossible de tricher. Il faut vibrer avec ce qu’on joue, le ressentir profondément. C’est ce qui fait qu’on tient encore.

Tu disais récemment qu’il faut parfois se perdre pour retrouver son ADN. Quels moments illustrent cela dans l’histoire du groupe ?
Dès le deuxième album, on a pris un virage. On s’éloignait de l’esprit du premier, mais on voulait proposer autre chose. C’était un pari risqué, mais finalement réussi. En revanche, avec Révolution.com, on s’est peut-être un peu éloignés de notre identité, en intégrant des éléments qui ne nous ressemblaient pas. Ces dernières années, on a eu besoin de se reconnecter à nos racines. Mais c’est normal : un groupe traverse des tempêtes, des remises en question… c’est ce qui forge une histoire.

Avec « Colères », vous proposez une sorte de best of, mais aussi une pause. Pourtant, vous aviez un nouveau line-up. Pourquoi ce choix maintenant ?

On redoutait de se répéter. De tomber dans une routine. On ne voulait pas faire l’album de trop. Cette pause n’est pas une fin, mais une respiration. Chacun a besoin de se recentrer, d’écrire, de composer. Ce temps de recul est nécessaire pour avancer autrement.

Colères(Veryshow) – Disponible 

@Nooneisinnoncent.net

23/08/2025 Coulon (Festival du Marché Gourmand)

Interview : @ Emma Forestier 

Photos : @GwainPainvin et @ZoZo