economie
Niort en mode digital
Le numérique prend ses quartiers dans le centre niortais, sur la place de la Brèche notamment avec le Village by CA et Niort Tech. Ce champ d’activité est-il réservé à quelques startupers initiés ? Pour en savoir plus, nous avons réuni des acteurs clés de cette nouvelle économie.
Tour de table
François Guyon : Élu à la ville et à l’agglo en charge du numérique et de l’innovation. Son rôle : accompagner les start-up de tous secteurs d’activité. Ses outils : le lieu totem Niort Tech sur la place de la Brèche, la Technopole du Niortais (Altae) – un incubateur de start-up et un accélérateur du nom de French Assurtech.
Fabien Elie : Ex-responsable du Village by CA, émanation du Crédit Agricole local. Une structure privée qui accompagne des start up un peu plus matures que celles de la Technopole.
Xavier Marzec : Fondateur d’Anode, une agence webmarketing créée il y a 6 ans, spécialisée en acquisition de clients en ligne. Longtemps résident de Niort Tech, il témoigne de l’accompagnement dont il a bénéficié.
Baptiste Trény : Fondateur de « Créateur de forêt »,une entreprise émergente de cinq salariés qui construit des projets de préservation de la biodiversité en fédérant divers acteurs, financés par des privés, sur des terrains communaux.
« On a près de 7000 emplois liés au numérique et une densité de ces métiers 3 fois supérieure à la moyenne nationale. » François Guyon
Est-ce que Niort aspire à devenir une référence de l’économie du numérique ?
F Guyon : Il y a un écosystème particulier ici, du fait de la présence des mutuelles confrontées à la digitalisation de leurs métiers. On a près de 7000 emplois liés au numérique et une densité de ces métiers 3 fois supérieure à la moyenne. L’agglomération de Niort a généré l’impulsion en créant un lieu totem, Niort Tech, dans un bâtiment de 1600 m² et 4000 m² supplémentaires seront bientôt disponibles.
Quand on est jeune chef d’entreprise est-ce qu’on ressent cette influence ?
X Marzec : On ne s’est jamais dit que créer une boite à Niort pouvait être plus compliqué qu’ailleurs. Nous n’avons bénéficié d’aucune aide financière, mais de considération, d’écoute et de locaux. Niort est plutôt une chance qu’une contrainte.
B Trény : Je peux dire aussi que j’adore Niort. Nous avons cumulé les aides : Niort Tech nous a intégré à l’Opération Dragons (programme d’émergence de start-up), nous avons ensuite été hébergés par Village by CA, le dispositif Pulpe nous a aidé à recruter…
Le Crédit Agricole a choisi de rénover un immeuble et accueillir une pépinière digitale. Comment Le Village est-il né ?
F Elie : Il est né en 2014 au niveau national. C’est un modèle déficitaire et assumé comme tel. On a souvent vu des entreprises d’ici rachetées par des structures issues de plus grosses villes. Pour protéger notre territoire, il fallait accompagner les PME en mettant notre réseau de 42 Villages à leur disposition.
Niort Tech, Village by CA, comment faites-vous pour ne pas vous marcher sur les pieds ?
F Guyon : Nous sommes complémentaires. Niort Tech héberge des entreprises pendant 2 à 3 ans. Ensuite elles peuvent rejoindre le Village.
F Hélie : Notre valeur ajoutée c’est le réseau sur la France entière. On est positionné sur les entreprises qui ont une maturité supérieure à l’incubation.
B Trény : Niort Tech nous a accueilli quand on était une graine, nous a aidé sur la création, le business plan… Au moment du Village nous avions un autre besoin, celui d’avoir du réseau.
Pensez-vous que les Niortais se sentent concernés par la dimension numérique de leur ville ?
F Guyon : La volonté politique est de dynamiser le centre-ville avec des structures comme Niort Tech. Beaucoup de gens passent devant et n’osent pas entrer. Avec l’extension prévue, l’idée est d’en faire un lieu plus ouvert.
F Hélie : Nous pouvons comparer avec La Rochelle, où nous avons un autre Village. La dynamique numérique est plus marquée là-bas.
X Marzec : Je ne partage pas ce constat d’un dynamisme supérieur à Poitiers et La Rochelle. Le principal frein c’est l’enseignement supérieur. La collectivité consent beaucoup d’efforts pour amener des formations.
Avez-vous des conseils à donner aux jeunes entrepreneurs qui voudraient se lancer ?
X Marzec : Ils mettent beaucoup d’énergie dans le développement de leur produit et se retrouvent parfois en bout de course au moment de la commercialisation. Nous conseillons de faire une version simple et d’aller se confronter rapidement à la vraie vie.
B Trény : Tu rencontres beaucoup de gens qui sont là pour t’aider à réfléchir. Mais je pense qu’à un momen, il faut savoir s’écouter soi. Il faut savoir arrêter les réunions et rentrer dedans.
Dans l’imaginaire collectif, une start-up est une boite que tu revends 3 ans après l’avoir montée en faisant fortune. Mais ce n’est jamais qu’une jeune entreprise qui se développe dans le numérique…
X Marzec : C’est la légende Google créé dans un garage. Le monde du numérique a amené une culture de la rapidité, de la souplesse. Avec 1000 euros et une connexion, on peut monter une boite. Mais il y a énormément d’appelés et peu d’élus. Le numérique n’est pas égal à start-up. C’est plus complexe que ça.
F Hélie : Au Village, on essaie de faire se rencontrer start-up et entreprises traditionnelles. Ça leur ouvre l’esprit sur l’agilité, la manière de travailler. Les jeunes qui arrivent sur le marché n’ont plus les mêmes codes. Il est important que les entreprises installées en aient conscience.
« Nous n’avons bénéficié d’aucune aide financière, mais de considération, d’écoute et de locaux, à Niort Tech. » Xavier Marzec
On entend beaucoup parler de l’Intelligence Artificielle. Êtes-vous déjà obligés de vous y confronter ?
X Marzec : C’est une révolution, je pense qu’on en est aux balbutiements. Chez Anode, on utilise l’IA tous les jours pour générer des contenus. C’est un outil puissant et spectaculaire. Il y aura forcément de la destruction d’emplois mais où la valeur est la moindre.
Baptiste Trény : Moi ça m’effraie énormément, ça ne me fait pas rêver du tout.
F Guyon : Le marché va changer. 40 % des emplois de 2035 n’ont pas encore été créés.
Start up toi-même, les jeunes qui osent
La 7e finale du concours Start up toi-même a eu lieu fin septembre à Niort.
Les dix jeunes, âgés de 13 à 17 ans, originaires de toute la France, avaient rendez-vous au
Village by CA, place de la Brèche. La plupart des parents accompagnateurs ne connaissaient pas la ville et envisageaient de faire un peu de tourisme pendant que leurs petits génies du digital planchaient sur leur projet. « Durant une intense journée, les jeunes suivent des ateliers qui vont leur permettre d’aboutir à un pitch », explique Félix Cailleton, le président.
Les candidats sont une centaine au départ. Le jury sélectionne dix finalistes sur des critères d’innovation et de faisabilité. « Ils suivent d’abord trois ateliers préparatoires en visio. Quand ils arrivent ici, ils ont déjà avancé sur leurs cibles. » Ils peaufinent l’apprentissage avec des sessions dédiées au story telling, au juridique, au design de leur logo et au pitch. « Il faut qu’ils sachent raconter une histoire qui passionne le jury. » A ce petit jeu sérieux c’est Giovanni, parisien de 16 ans, qui a remporté le premier prix avec son projet Atlas dédié à la promotion de la lecture pour les jeunes. Souhaitons-lui le même destin qu’Arthur, 3e en 2018, qui a créé SOS Tech et emploie 6 personnes aujourd’hui. Félix Cailleton se félicite, je trouve passionnant d’accompagner des jeunes à oser et leur offrir les clés de la réussite.
CRÉDITS :
Interviews : @karlduquesnoy