Mesmer L'hypersensé

Mesmer
L’hypersensé

Le grand fascinateur canadien Messmer nous a accordé un entretien lors d’un récent passage à L’Acclameur. Derrière le regard envoûtant et la voix posée, nous avons découvert un homme sensé, plus lucide qu’extralucide et surtout militant d’une hypnose pour améliorer le quotidien et la santé. Vos paupières sont lourdes, vous êtes captivés par ce texte, vous êtes bien, détendu. Un, deux, trois…Lisez !

Messmer

Avez-vous un don spécifique pour l’hypnose, à l’image de ceux qui arrêtent le feu par exemple ?

Non j’ai appris. Tous ceux qui vous disent qu’ils ont des dons ont simplement appris comment faire.

En quoi vos pratiques sont-elles si éloignées de celles du chirurgien écossais James Braid, le créateur de l’hypnose ?

On ne sait plus vraiment qui a inventé l’hypnose. Les chamans de lointaines civilisations s’en servaient déjà pour entrer en transe. Ce que je présente sur scène est vraiment de l’hypnose de spectacle. C’est pour moi l’occasion de faire passer le message sur la force du cerveau. On peut faire de grandes choses avec notre subconscient. On peut influencer notre personnalité, notre imaginaire, améliorer notre santé, nos cycles de sommeil…

« On peut apprendre la technique, on peut influencer quelqu’un, le faire plonger en état hypnotique mais le diriger au bon endroit, au bon moment… c’est différent. »

A Liège, le docteur Joris anesthésie les patients uniquement avec cette technique. Tout le monde est-il capable d’hypnotiser les gens avec le bon vocabulaire ?

On peut tous chanter mais est-ce qu’on chante tous bien ? Non, certains chantent faux, certains vont pratiquer toute une vie avant de pouvoir sortir une belle mélodie. Avec l’hypnose, c’est la même chose. On peut apprendre la technique, on peut influencer quelqu’un, le faire plonger en état hypnotique mais le diriger au bon endroit, au bon moment… c’est différent.

Pourquoi a-t-on si peu recours à l’hypnose pour pallier les douleurs ou le stress dans le domaine du sport par exemple ? Pourquoi notre société semble s’en défendre ? Pourquoi est-elle sulfureuse ?

Le collège des médecins se montre craintif avec l’hypnose. C’est de la suggestion et les gens ne réagissent pas tous de la même façon dans cet état, Il n’y a pas de chimie là-dedans. Il faut être un bon thérapeute pour savoir décoder ce qui se passe.
Le regard change. Autrefois, il n’était pas facile de prouver qu’une personne était vraiment dans un état d’hypnose. Maintenant, avec les casques EEG (électroencéphalogramme), on peut vraiment voir ce qui se passe dans le cerveau et des gens se disent que ça pourrait les aider à améliorer leur santé, à se libérer de leur phobie…

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Des personnes qui veulent arrêter de fumer ou maigrir vont voir des hypnothérapeutes et ça fonctionne. Est-ce que des médecins généralistes se forment à l’hypnose ?

Il existe des écoles d’hypnose partout, on se forme parce que c’est relativement facile. La demande est très forte, mais diplôme ne signifie pas qu’on est un bon thérapeute. Les gens ont vu des performances à la télé, ont vu et vécu des spectacles, en ont entendu parler. La médecine n’a pas le choix que de s’adapter. C’est cela mon but : démontrer que ça marche, démocratiser la discipline et je note un changement. On avait fait une étude il y a dix ans à Lyon. Il y avait une vingtaine d’hypnothérapeutes avant que j’arrive, aujourd’hui, ils sont cinquante.

Vous souhaitez vulgariser l’hypnose à travers l’entertainment. Ne craignez-vous pas de creuser l’écart avec le monde scientifique ? Ce serait sans doute plus simple s’il y avait un médicament à vendre, des labos à faire travailler.

Oui c’est un peu ce qui les énerve. Mais la science commence à comprendre. J’ai travaillé avec le CNRS et utilisé les casques EEG pour faire la preuve de l’état d’hypnose. Car ma technique évolue. Avant, j’étais obligé de toucher les gens, maintenant je passe tout près sans même les regarder et une connexion s’établit comme ça. Si une personne est réfractaire, en travaillant de façon différente, elle peut devenir sensible à l’hypnose. La science va nous aider à comprendre ces phénomènes. Je n’ai pas moi-même toutes les explications. Parfois, il se passe des trucs sur scène et je me dis « mais merde comment ça peut arriver ?! »

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Pensez-vous qu’il soit possible de se placer en autohypnose pour apaiser ses douleurs ou se régénérer ? On n’est plus très loin des fictions comme Dragon Ball Z ?

Oui ça marche très bien l’autohypnose. Il faut adopter une posture spécifique, un peu comme pour le yoga. On ne peut pas faire ça tout à fait quand on veut. J’ai appris des techniques qui permettent d’entrer dans un état méditatif tout en étant conscient. Sur scène, les gens ne le voient pas mais je suis dans mon subconscient. Avec le casque EEG du CNRS, j’ai pu voir les zones cérébrales, avec les ondes alpha et thêta. Je sens bien qu’il se passe physiquement quelque chose, mais de là à le voir à l’ordinateur… J’étais comme un gamin.
Après les spectacles, pour ma retraite, j’aimerais enseigner. Ça s’appellera « l’Atelier cérébral ». Au cours d’un séminaire on apprendra à travailler sur son cerveau pour récupérer du sommeil, améliorer sa santé, comme je le fais.

On est sur le développement de la marque Messmer avec des produits que vous proposez, comme des séminaires ou des consultations c’est ça ?

Oui j’aurais peut-être une école au Québec ou en France, mais je le vois plutôt sous forme de séminaire. On réservera une salle pour deux jours, je vous donnerai la théorie et on pratiquera. Vous sortirez avec les acquis et la preuve physique que vous avez atteint les ondes cérébrales alpha tout en étant conscient d’être là. Ça fait longtemps que j’ai envie de le faire, le confinement m’a aidé à travailler là-dessus.

« Parfois, il se passe des trucs sur scène et je me dis « mais merde comment ça peut arriver ?! »

Une question pour l’amateur de musique électronique que vous êtes. Que donnerait un album créé sous hypnose ? Pourrait-on le comparer à certaines œuvres écrites sous drogue ? Est-ce que ça serait intéressant ?

Il y en a qui prennent un petit joint pour aller chercher cette zone-là. Avec le séminaire que je vais proposer, vous allez apprendre à descendre en vous-même tout en étant conscient et là, vous allez créer différemment. L’intellect nous empêche d’aller plus loin. Si on se laisse aller, des trucs peuvent apparaître auxquels on n’avait peut-être pas pensé consciemment. On dit souvent : « Ah j’aurais dû écouter ma petite voix ». C’est là que s’exprime le subconscient, c’est un sixième sens. Quand on apprend à maîtriser tous nos sens suggestifs, on découvre une autre facette de soi et quand on mélange les deux, conscient et subconscient, c’est vraiment extraordinaire.

Avez-vous été sollicité par le monde politique ou diplomatique ? Ne vous a-t-on jamais approché en politique, en diplomatie ou aujourd’hui avec le conflit en Ukraine ? 

Je reçois beaucoup de demandes farfelues du genre : « tu devrais hypnotiser Poutine ». Non, je pense que les politiciens ont déjà des techniques de communication très développées. Barack Obama m’avait vraiment marqué dans ce domaine. A chaque discours, il ne regardait jamais la caméra de face, mais toujours de gauche à droite. Ainsi, il ne s’adressait pas à nous, mais, inconsciemment, au pays tout entier.

Crédits :

Interview : @charles.provost
Rédaction :  @karlduquesnoy
Crédit photo : @lambert.davis @Niort Acclameur le 02/06/2023 à 20h00
@Poitiers Arena le 03/06/2023 à 20h00