Mathieu Madénian Bide, humour et comedy club
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Mathieu Madénian
Bide, humour et comedy club

A 25 ans, Mathieu Madénian, perpignanais doté d’un DESS en psychiatrie criminelle, quitte son boulot d’avocat pour découvrir le show-business. Depuis, l’homme est devenu humoriste et a bossé partout. Drucker, Morandini, Europe 1, France télévisions, Charlie hebdo… En septembre, à l’Arena Poitiers, il animera, à l’occasion des un an du Republic Comedy club, un plateau d’humoristes de renom, à commencer par Artus et Paul Mirabel. Rencontre, entre humour et bide. 

Quitte à obtenir un regard pertinent sur le fonctionnement de l’humour en 2024, autant interroger un pratiquant convaincu plutôt qu’un défiant profane. Pratiquant, l’humoriste et animateur Mathieu Madénian l’est assurément, comme en atteste son émission de télévision sur les comedy clubs diffusée par France télévisions. Convaincu aussi, si on juge par ses réponses aux questions mal préparées que nous lui avons posées. Si vous voulez le voir prochainement, sachez qu’il sera le maître de cérémonie d’une grande soirée de l’humour à l’Arena de Poitiers le 16 septembre prochain. La fête est organisée par le Republic corner de Poitiers pour fêter les 1 an de son comedy club, le Republic comedy club. Au menu : Artus, Paul Mirabel et 7 autres humoristes. A vous, Mathieu. 

Le 16 septembre, vous animerez la soirée du Republic comedy club à l ‘Arena Poitiers. Sur scène on trouvera Artus, Paul Mirabel et 7 autres humoristes. 

Mathieu Madénian : Il y a environ un an, j’ai rencontré les patrons du Republic Corner, un restaurant de Poitiers, qui souhaitaient monter un comedy club, au Paname, un comedy club parisien. Ils m’ont fait part de leur volonté de développer un plateau d’humoristes à Poitiers, dans leur nouveau lieu avec de jeunes humoristes, de jeunes talents. J’ai trouvé ça cool. C’est ce que je fais à la télévision. J’ai donc accepté avec plaisir, et je me suis retrouvé à faire une première date en septembre 2023 avec Oldelaf, Urbain et d’autres. Plein de copains. Ensuite j’ai juste monté le premier plateau, mis mon nom dessus et basta. Par la suite, les gars du Republic corner ont réellement développé à Poitiers une véritable scène. Ils ont comblé un vide car il n’y avait pas de comedy club là-bas.

Le 16 septembre, vous ne ferez pas de spectacle mais vous animerez la soirée comme maître de cérémonie. Cela modifie-t-il quelque chose dans votre façon d’appréhender la scène ?

Mathieu Madénian : Tout n’est pas encore calé. On doit se voir prochainement pour en parler mais le plateau est vraiment alléchant. 

Le comedy club en France est en plein essor depuis quelques années. N’y-a-t-il pas un risque de standardisation de l’humour?

Mathieu Madénian : Il faut distinguer les choses. Il y avait trop de comedy clubs à Paris, mais pas assez en province. Les choses s’équilibrent de plus en plus et c’est très bien. Je fais d’ailleurs une émission sur France Télé, le « Top comedy club », où je vais dans des villes pour mettre à l’honneur le comedy club du coin. On en a pour l’instant fait une dizaine : Montpellier, Marseille, Dijon, La Roche-sur-Yon, Bordeaux, Nantes, Angers. L’idée, quand on arrive là-bas, c’est de filer les clefs de l’émission à la personne qui organise le plateau.

Aucun risque alors ?

Mathieu Madénian : Le risque, c’est peut-être que les gens racontent un peu la même chose, mais c’est pareil dans tous les domaines. Durant ces émissions, j’ai vu des gens très originaux qui racontaient des trucs personnels, qui abordaient des thèmes très modernes. Donc standardisation, je ne crois pas. Plus tu auras de gens qui montent sur scène, plus tu auras des artistes qui émergeront, avec leur originalité. 

 « Il y a une grande différence entre générer du contenu sur les réseaux sociaux et avoir du contenu » 

Les réseaux sociaux sont omniprésents dans l’humour. Un humoriste y pense-t-il quand il écrit un spectacle ? Songe-t-il déjà au fait de diffuser son show par petits morceaux sur TikTok, par exemple ?

Mathieu Madénian : C’est ce que je fais. C’est vrai qu’aujourd’hui, il existe des humoristes qui montent sur scène uniquement pour faire des vues. Ce n’est pas le fait de raconter quelque chose qui leur importe, mais le fait d’avoir le plus de followers possible. Certains le font d’ailleurs très bien. Ceci dit, tu ne peux pas sortir 5 minutes d’humour incroyable tous les 3 jours. Personne n’y arrive. D’ailleurs, sur Instagram, tu vois beaucoup de gens qui font de l’impro en mode « Tu t’appelles comment ? », et boum, ça improvise. Certains font ça de manière géniale comme Redouane Bougheraba, d’autres tombent dans la facilité. On le voit vraiment sur les réseaux sociaux. Certains veulent aussi réagir sur tout, très vite. Eric Ciotti s’est enfermé dans son bureau ? Vite, je réagis le soir-même et on poste ça très vite. Je vais te parler comme un vieux de la vieille, mais à mon époque, ces réseaux sociaux n’existaient pas. Je suis monté sur scène parce qu’à la base, il y a un spectacle. Je voulais raconter quelque chose, avec un début, un milieu et une fin. Tu as encore des gens qui tiennent la route, comme Romain Frayssinet par exemple, qui ont un véritable propos sur scène.   

C’était mieux avant, alors ?

Mathieu Madénian : On le dit parfois, en effet. En tout cas on l’entend souvent sur tout et n’importe quoi. C’est sûrement un peu boomer de dire ça, mais il ne faudrait pas qu’on en vienne à se dire que « Ah, l’humour, c’était mieux avant ». Les choses ont changé, c’est évident. Quand j’ai commencé, pour réussir il fallait avoir un très bon spectacle. 

Avoir un très bon spectacle, ça voulait dire raconter une histoire, incarner des personnages, prendre parfois des positions plus ou moins affichées. On le voit moins, non ?

Mathieu Madénian : Il faut bien comprendre que pour buzzer sur les réseaux sociaux toutes les semaines, il faut soit être un génie, soit tomber dans la facilité. Et des génies, il y en a peu. Alors beaucoup tombent dans le « Vous êtes en couple ? » ou des trucs d’improvisation de base qu’ils diffusent ensuite sur les réseaux sociaux pour…

…créer du contenu et générer un peu de buzz ?

Mathieu Madénian : Tout à fait. Ceci dit, il y a une grande différence entre générer du contenu et avoir du contenu. 

Être humoriste, c’est aussi être un créateur. Sentez-vous parfois la pression de la création ou êtes-vous toujours inspiré ?

Mathieu Madénian : Il ne faut surtout pas que ça devienne des devoirs à faire. Je ne me suis jamais mis derrière un bureau avec un ordinateur pour écrire des blagues ou en me disant « Tiens, qu’est-ce que je vais dire sur le rassemblement national ? ».  Je ne sais pas faire ça, ça n’est pas ma manière de bosser. 

Comment alimentez-vous votre réflexion ?

Mathieu Madénian : Je parle à des potes, j’entends des réflexions, des petits mots à droite à gauche. A partir de là, ça m’inspire ou pas. Il ne faut pas oublier que quand on va monter sur scène, on dit « Je vais jouer ». Comme quand tu fais de la comédie à la télé, tu dis « Je joue de la comédie ». Il ne faut pas oublier qu’on est là pour s’amuser. Même si c’est un vrai métier, il ne faut pas que ça devienne un job. Il faut garder ce côté joueur. Si tu n’arrives pas à écrire pendant un ou deux mois, c’est peut-être parce que tu as besoin d’une période de latence pour que l’inspiration revienne. C’est comme ça que je fonctionne en tout cas. J’en suis à mon  quatrième spectacle. C’est pas si simple d’avoir encore des nouvelles choses à dire, et surtout de ne pas avoir la grosse tête de se dire « Tout ce que je dis est intéressant ». 

« Le bide, c’est pas un accident. C’est l’éclat de rire qui en est un. A toi ensuite de créer un spectacle qui soit un carambolage d’une heure »

Auprès de qui testez-vous vos spectacles avant une tournée ?

Mathieu Madénian : Depuis le début, j’écris avec Kader Aoun. On a des pistes, on se raconte des trucs. Actuellement, je fais pas mal de comedy clubs à travers la France en cachette. Je joue aussi à Paris au Point virgule les week-ends, sans faire de promo. Je teste, en restant une heure sur scène. Je passe aussi au festival d’Avignon pendant 15 jours de suite. Un vrai laboratoire pour moi. Ça me permet de voir ce qui marche, ce qui marche moins voire pas du tout. J’espère que début janvier 2025, j’aurais un spectacle terminé et intéressant. C’est le but en tout cas. Avoir quelque chose à raconter. Pour l’instant, je ne l’ai pas. Et j’ai pas envie de monter sur scène si le spectacle ne me plaît pas. Un spectacle, ça dure deux ou trois ans sur scène. S’ il ne te plaît pas, c’est long. Il faut donc que ça soit un minimum « quali » par rapport à ce que j’estime être « quali ».

Puisqu’il dure deux à trois ans, votre spectacle sera forcément moins tourné vers l’actualité.

Mathieu Madénian : Cela fait partie du boulot. Quand je monte sur scène comme actuellement, en mode un peu caché, je peux tout à fait faire de l’actu. Pas beaucoup. Ça doit représenter 10 minutes dans le spectacle, et il se passe tellement de trucs dans la société actuelle que ces 10 minutes évoluent tout le temps. La technique pour que ton spectacle ne se périme pas, c’est d’aborder l’actualité de façon un peu plus large. Tu vas par exemple parler de la montée des extrêmes, du mouvement #Metoo. Après c’est à toi de réinjecter en permanence du sang frais dans ce que tu as déjà écrit.

Avoir un bide, ça vous arrive encore ?

Mathieu Madénian : Tout le temps ! Vous rigolez ou quoi ? (Rires). Bien sûr que ça arrive. A chaque spectacle, tu remets ton titre en jeu. S’il y a titre, bien sûr. C’est pour ça que je continue à aller dans les comedy clubs. Parce que ça me permet de me frotter aux jeunes humoristes, de voir le niveau, de m’apercevoir de ce qui ne marche pas ou moins dans ce que je propose. Le bide, c’est pas un accident. C’est l’éclat de rire qui en est un. A toi ensuite de créer un spectacle qui soit un carambolage d’une heure.

Comedy club arena COMPLET

Interview @Albert_Potiron

Crédit photo : @DR