Manu Payet LE RETOUR
humour

Manu Payet
LE RETOUR

Certains parcours sont surprenants. Tenez, celui de Manu Payet par exemple : après un premier succès comme animateur radio sur NRJ, il entame une carrière d’acteur et d’humoriste. A la tête de son nouveau spectacle – le quatrième en quinze ans – Emmanuel 2, le natif de la Réunion revient sur scène pour faire rire en parlant de lui. Universel, le Manu? Nous l’avons rencontré à l’occasion de son passage à Poitiers en mars dernier.

Après avoir débuté dans l’anonymat de la radio, Manu Payet fait désormais partie des visages que nous connaissons tous. Rien d’anormal pour quelqu’un qui a fait beaucoup de télé. Ou quelqu’un qui a présenté la cérémonie des César en 2018. Pour l’occasion, il avait même réalisé une parodie du fameux « Basique » d’Orelsan pour promouvoir une des soirées les plus suivies chaque année par les cinéphiles de France. Bref, Payet, même s’il est né à des milliers de kilomètres de là, a tout d’un couteau suisse et semble ne jamais savoir s’arrêter. Comme pas mal de fainéants contrariés, il finirait presque par ressembler à un hyperactif. Mais de quoi va-t-il nous parler dans son nouveau spectacle?

Pouvez-vous nous parler de la genèse de votre nouveau spectacle, Emmanuel 2?

Manu Payet: Quand j’étais gamin, j’étais fan des films qui avaient un 2 à la fin. Retour vers le futur 2, Terminator 2,… Cette grande époque des films des années 80-90 avec d’excellentes suites. J’en parlais aussi souvent sur les plateaux de cinéma. Par exemple, pour déconner, quand on tournait Radiostars, je disais parfois « Non, mais ça, on ne le fait pas maintenant. On le fera dans le 2 ». Et on n’a jamais fait de 2, alors j’ai décidé de faire Emmanuel 2.

L’affiche de votre spectacle est un clin d’oeil au célèbre film érotique Emmanuelle. Finalement, de quoi parlez-vous? Du président de la République, de sexe ou de vous?

Manu Payet: C’est la suite du 1 qui parlait de moi. Là, ça parle toujours de moi. C’est mon histoire. Je ne suis pas du tout dans la politique, j’ai pas envie d’embêter les gens avec mon avis. Quand je vais sur scène, c’est pour qu’ils passent un moment où ils oublient ce qu’il se passe dehors. Je raconte mon histoire, et à travers la mienne, celle des autres. Quand je sors de la salle, certains me disent « Tu as mis une caméra chez nous, ou quoi? ». C’est le plus bel hommage qu’on puisse me faire.

Dans quel état d’esprit êtes-vous avant de monter sur scène?


Manu Payet: La scène, c’est mon ADN, je suis gaulé comme ça. C’est mon truc, je ne peux pas faire autre chose. Le trac est toujours là, malgré tout. Là juste avant votre appel, j’étais en train de regarder une vidéo de moi sur scène, mais sans le son. Une vidéo faite par quelqu’un sur Youtube. Et c’est fou, mais ça m’a fait rire, ce gars qui gesticule. Je pourrais même finir par me demander ce qui m’a fait faire ça, mais la scène c’est vraiment mon ADN. Ce questionnement, ma mère l’a souvent eu. Elle me disait « Je comprends vraiment pas pourquoi tu fais ça ». Moi, je sais. Ma mission, c’est d’essayer de faire du bien aux gens. C’estd’essayer d’embarquer le mec qui se retrouve dans la salle sans me connaître, parce qu’il a été invité par sa copine ou un ami.

Il ne faut pas oublier que j’ai grandi sur l’île de la Réunion, loin de tout ça. J’étais pas du tout censé faire partie du show-business”


Vous êtes ou avez été acteur, producteur, animateur radio,…Qu’est ce qui vous plaît le plus?

Manu Payet: Ce qu’il faut peut-être dire, c’est que je ne sais pas vraiment glander. Enfin, ça n’est pas exact. Je suis un énorme paresseux. Mais comme je me connais, j’essaie d’être toujours occupé, parce que je culpabilise très vite de ne rien faire. Ma mère est catéchiste, et j’ai eu une éducation judéo-chrétienne assez stricte. Donc je culpabilise vite de ne rien faire. Si un truc m’intéresse, je le fais. Présenter les César ou faire du doublage, ça se refuse pas, si? Et il ne faut pas oublier que j’ai grandi sur l’île de la Réunion, loin de tout ça, j’étais pas du tout censé faire partie du show-business.

Depuis vos débuts, le secteur de l’humour a beaucoup changé. Il y a de plus en plus de gens qui se lancent dans le stand-up par exemple. Quel regard portez-vous là-dessus?

Manu Payet: C’est une très bonne question. J’ai commencé vers 2007, juste avant l’ère du Jamel Comedy Club. J’étais un des derniers, voire le dernier gars qui arrivait comme ça, sans trop savoir d’où je venais. Après, il y a carrément eu des écuries d’humoristes, et des comedy club qui se sont montés à droite à gauche. Avant ça, c’était aux Etats-Unis, pas en France. Et puis c’est arrivé ici. Je suis content d’être arrivé juste avant, car il y avait encore un côté exceptionnel au fait d’être là. Si il y avait eu ça à mon époque, ça aurait peut-être été plus simple à accepter, car il y a là dedans un petit côté « professionnel ». Maintenant, des comedy club, on en voit même à la Réunion. Pour les jeunes, c’est pas mal, mais il faut faire attention à bien conserver son individualité. Si tu montes sur scène, il faut que tu viennes avec une proposition particulière, la tienne. Il ne faut pas que le stand-up devienne un exercice à accomplir ou une check-list de l’humour. Il ne faudrait pas que le fait de se marrer vraiment et sincèrement devienne secondaire.

L’humour se « communautarise » aussi plus, non?

Manu Payet: C’était peut-être moins le cas avant parce qu’il y avait moins de tribunes. Aujourd’hui, il arrive qu’on trouve plus de mecs sur scène que dans la salle. Et il ne faut pas oublier que ceux qui finissent par s’exprimer sont ceux qui ont souvent une plus grande gueule que les autres, et ceux qui ont des choses à raconter. Un blédard (je viens d’un bled) comme moi a peut-être des choses un peu exotiques à raconter, en effet. Tout ça, ça peut donner des «déconneurs » plus communautaires. Avoir un recul sur son enfance, c’est souvent important pour un humoriste. Certains ont eu une enfance plus dure que les autres, et aller sur scène, c’est presque une thérapie pour eux quand ils en rient pour divertir les gens. C’est aussi pour ça que c’est très important de ne pas uniformiser le stand-up. Parfois, je vois des plateaux où l’humoriste veut plus épater celui qui est avant ou après lui plutôt que de faire rire le public.

« Il y a deux catégories d’humoristes, ceux qui font des maths et ceux qui font du français. Moi, c’est les mecs qui sont bons en français qui me font marrer »

Vous vous intéressez beaucoup aux humoristes. Dans la jeune génération, qui vous fait rire?

Manu Payet: J’adore Redouane Bougheraba. Ce couillon me fait rire. Ce que j’aime, c’est quand on ne sent pas le calcul. C’est quand le mec ne fait même pas exprès d’être drôle. J’aime quand ça n’est pas réfléchi. Ce que je n’aime pas, ce sont les humoristes avec des spectacles trop élaborés, trop réfléchis. Dans ce cas, je m’ennuie vite. Je n’ai pas cette intelligence là. Je suis venu pour me marrer ou être ému. Pour être remué. Redouane, il a ça, il a ce « funny bones » comme disent les américains. Audrey Lamy me fait aussi beaucoup rire par exemple. Je suis aussi fan de Richard Pryor, un américain des années 80. Jeune, je faisais venir des cassettes VHS en import pour voir ses spectacles que je ne comprenais pas toujours. Le simple fait de le regarder me fascinait. Je me voyais, j’avais l’impression de me voir moi, à l’école. Il racontait. Son spectacle, ce n’était pas des cases cochées. Ce n’était pas des maths, mais du français. Il y a deux catégories d’humoristes, ceux qui font des maths et ceux qui font du français. Moi, c’est les mecs qui sont bons en français qui me font marrer.  

On dit parfois que les humoristes sont de grands clowns tristes. Est-ce votre cas?

Manu Payet: Je ne suis pas triste, mais extrêmement mélancolique. Je viens de lire un bouquin qui s’appelle « Suis-je hypersensible? ». Manifestement, je le suis également, mais je viens de le découvrir.

Que me diriez-vous si je vous demande de me faire rire maintenant?

Manu Payet: Vous voulez une blague courte?

Oui.

Manu Payet: Vous en voulez une autre?

« Emmanuel 2 » – 19/10/24 @Bocapole (Bressuire) 

@ManuPayetOff