Société Les filles comptent pas pour des prunes.

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Les filles comptent pas pour des prunes.

Les filles sont de plus en plus nombreuses à franchir allègrement les vieilles frontières du genre en matière de travail. Clothilde Racapé, 23 ans, technicienne réseau chez Enedis et Axelle Paillat, 21 ans, rugbywoman et employée en alternance au service communication du Niort rugby club en témoignent.

Clothilde, est-ce que cet emploi chez Enedis est ta première expérience professionnelle ?

Clothilde Racapé : Après mon bac pro mécanique moto, j’ai d’abord travaillé dans un garage spécialisé. Je n’ai pas poursuivi à cause du regard de certains clients qui ne souhaitaient pas que je m’occupe de leur moto parce que j’étais une fille. Ça ne m’a pas plu du tout. Après une mention complémentaire monteur réseau et une période d’apprentissage, j’ai été recrutée chez Enedis il y a 3 ans. Ici, il n’y a pas de notion de métier d’homme. 

Axelle, comment es-tu arrivée au Niort Rugby club ?

Axelle Paillat : Je suis inscrite en master communication à l’IAE de Niort et fais mon alternance au club dans lequel je joue 2e ou 3e ligne. J’ai eu du mal à trouver mais je pense qu’être la fille de Romuald Paillat, un ancien joueur pro, a aidé. J’ai toujours voulu travailler pour un club de rugby. C’est ancré dans mon histoire familiale. 

« Je suis dans une grande entreprise qui encourage le recrutement des femmes. Mais elles sont encore craintives. Moi, je leur conseillerais de prendre cette voie. » Clothilde Racapé

Quelle est votre principale activité quotidienne ?

AP : Mon travail consiste notamment à suivre l’équipe première, les pros, pour développer leur image, montrer ce qu’ils font dans la journée : l’entraînement, la musculation… Par ailleurs, j’essaie de contribuer à démocratiser le rugby féminin en agissant de l’intérieur.

CR : Je travaille en équipe sur les poteaux électriques à l’extérieur. On dépanne, on monte au sommet s’il faut, on change les compteurs, on fait de la consignation (couper l’alimentation) pour permettre aux autres entreprises d’agir sur notre réseau…

Quel est le regard de vos collègues masculins sur votre activité ?

AP : La communication n’est pas un métier masculin, mais je l’exerce dans un milieu d’hommes. Je vois que les barrières tombent quand je pars en déplacement avec 40 hommes dans le bus. Je peux passer deux jours avec eux à l’hôtel. Ils oublient que je suis une fille, je fais partie du staff, point. 

CR : Sur notre pôle on est 4 filles. Je suis la seule de mon équipe mais ça ne me dérange pas. Tout le monde est gentil. Mes collègues font très attention au moindre débordement. Et je n’ai pas le sentiment de faire un métier d’homme. Les anciens passent le relais aux jeunes, fille ou garçon peu importe. Même les clients se félicitent de voir des femmes sur le terrain.

Avez-vous reçu des remarques désobligeantes sur le fait que vous soyez une femme ?

AP : Ce sont surtout les anciens bénévoles qui ont tendance à surveiller mon travail. Au début c’était compliqué. Si j’avais été un homme, je ne suis pas sûre qu’ils auraient été derrière mon dos comme ça. Et certains se demandent encore si le rugby féminin existe, s’il y a des règles particulières. A leur décharge, je dirais que la discipline a émergé tard. 

CR : Non. Je sais que les remarques sont faites pour que j’avance. Il n’y a pas de différence avec le fait que je sois une fille. Ce n’était pas le cas dans le milieu de la moto où j’ai ressenti que ce n’était pas ma place. 

Sentez-vous même que votre présence exerce une influence positive sur l’entreprise ?

CR : Oui tout à fait. Je pense que ma présence a une bonne influence sur l’ambiance. Quand il y a une femme, ils se retiennent sur les blagues. 

AP : Je suis d’accord. Je pense que notre présence apaise.

Pensez-vous être dans une entreprise particulièrement engagée en faveur de la parité au travail ?

CR : Je suis dans une grande entreprise qui encourage le recrutement des femmes. Mais elles sont encore craintives. Moi, je leur conseillerais de prendre cette voie. Il faut qu’elles osent. Entrer en alternance est une bonne occasion de voir le métier tel qu’il est vraiment, de sentir l’ambiance. 

AP : Oui. En tant que club à missions, le NRC est engagé sur la parité. Nous sommes 83 licenciées sur les 500, ça avance. Il y a deux équipes, une section sportive féminine au lycée Paul Guérin. Il y a la parité du côté des salariés.

« En tant que club à missions, le NRC est engagé sur la parité. » Axelle Paillat


Pensez-vous que la société évolue dans le bon sens à ce sujet ?

AP : Je pense que tout aura changé d’ici 10-15 ans. Notre génération estime qu’il n’y a pas de métier d’homme ou de femme mais simplement des compétences. 

Par ailleurs, on le voit dans le rugby, les filles sont de plus en plus présentes médiatiquement. Le documentaire Je ne suis pas une salope de Marie Portolano, sorti en 2021, est éclairant sur le sujet du sexisme dans le monde du journalisme sportif.

Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?

CR : J’ai trouvé ma voie chez Enedis. J’avais besoin de ce travail d’équipe. Je sais qu’il y a un panel de métiers assez large. Je pourrai évoluer au sein de l’entreprise.

AP : Je vais changer à la fin de mon alternance. Je chercherai un club du top 14 après un petit break. 

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Interview @InesMimouni @karlduquesnoy

Crédit photo : @realkafkatamura