Interview Catherine Cousinard – SÉOLIS
Les défis de la crise énergétique
Entre les tensions internationales sur le marché du gaz, les carences de production du parc nucléaire français et l’augmentation de la consommation électrique, les prix de l’énergie ont grimpé comme jamais en 2022. Si les prix ont retrouvé un niveau plus acceptable, ils demeurent plus élevés et plus volatiles qu’avant la crise. Alors quel futur pour notre énergie? Catherine Cousinard, directrice générale du groupe SÉOLIS, revient sur la crise énergétique et les engagements pris pour limiter son impact sur le territoire.
Les énergies renouvelables représentent plus de 50 % de l’énergie qui transite en Deux-Sèvres.
Depuis 2021, le monde traverse une crise énergétique sans précédent. La guerre en Ukraine n’est pas la seule responsable de cette flambée des prix, même si elle a contribué à son accélération. “Au départ, la difficulté est venue de la forte reprise économique après des années de pandémie, qui avaient mis l’économie au ralenti un peu partout dans le monde. Et puis, brutalement, tout le monde est sorti des confinements. Pour faire fonctionner l’industrie, il faut de l’énergie. Et tout le monde a consommé massivement de l’énergie pour faire redémarrer toutes les usines.”
A cela se sont ajoutés des soucis inhérents au vieillissement des infrastructures nucléaires en France “Le parc nucléaire avait des défauts de corrosion qui ont rendu indisponibles un certain nombre de réacteurs.” La pénurie a engendré la spéculation sur des risques à plus long terme “Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que les défauts sont réparés au fur et à mesure. Les tensions sur la main d’œuvre et le climat peuvent engendrer des périodes de sollicitations plus ou moins fortes”. Alors pour renforcer les capacités nucléaires, “Il faudrait dix ou quinze ans pour pouvoir sortir de nouveaux réacteurs. On sait qu’on sera dans les dix années à venir sur des périodes alternant tension et équilibre. Un équilibre quand même soumis à des aléas : météo, géopolitique, avaries matérielles.”
Sur le terrain, SÉOLIS, déploie des solutions pour sécuriser l’approvisionnement en énergie : “On renforce surtout nos activités de production d’énergies renouvelables pour que les Deux-Sèvres aient une production locale la plus naturelle possible et une sécurité d’approvisionnement”. Le département est propice à la production photovoltaïque et il est un de ceux qui produit le plus d’énergie renouvelable en France. Désormais avec la nouvelle loi APER (Accélération de la Production des Energies Renouvelables), un des principaux objectifs du Groupe SIEDS* va être d’aller encore plus loin en terme d’autonomie énergétique du territoire en apportant les solutions adéquates aux projets soutenus par les collectivités (ombrières, auto consommation collective, parcs au sol…) “Ce qu’on regrette, c’est que les projets ENR se soient parfois faits de manière un peu anarchique sous l’impulsion de développeurs privés un peu « cow boy » au détriment d’un vrai schéma directeur que les collectivités essaient de construire.”
“L’année dernière, on est quand même monté à 20 fois le prix, c’était insoutenable pour n’importe quelle économie.”
Les particuliers subissent de plein fouet ces augmentations malgré le bouclier tarifaire mis en place par l’état, mais surtout les entreprises qui ont eu du mal à faire face au choc financier. “On était conscient de cette envolée des prix, de la paralysie, de la sidération qu’il pouvait y avoir chez nos clients les plus petits comme les plus gros, de signer des contrats avec des prix qui étaient 5, 10 à 20 fois supérieurs à ce qu’ils avaient connu. Nos alertes au gouvernement et via les différentes fédérations professionnelles ont finalement porté leur fruit en donnant lieu à des dispositifs de soutien aux TPE/PME en début d’année. Solidaires par nature, nos équipes accompagnent nos clients au plus près de leurs besoins pour trouver des solutions pérennes à leurs problématiques énergétiques. Un grand nombre d’efforts sont ainsi déployés dans la limite de ce qui est économiquement soutenable”.
Fin de l’abondance, place à la sobriété, la résilience : “Les industriels notamment, qui sont soumis à des prix de marché, ou les collectivités, les entreprises tertiaires s’habituent à avoir des prix qui sont 3 ou 4 fois supérieurs à ce qu’on a connu avant le début de la crise. “ La chasse au gaspillage a commencé pour les consommateurs et les entreprises, il faut désormais revoir les process, décaler les horaires pour ne pas consommer sur les pointes (8h-13h et 17h-20h). C’est un vrai travail de fond, changer les habitudes de chacun.
Et pour l’avenir ? SÉOLIS espère pouvoir lier ses parcs de production à une consommation locale, en faisant évoluer l’approvisionnement, ce qui permettrait aux consommateurs de bénéficier d’un prix compétitif et stable sur une très longue durée. Un travail d’envergure : SÉOLIS a élaboré avec les collectivités une charte sur le développement d’énergies renouvelables tout en poursuivant leur processus de décarbonation. “On va diversifier notre portefeuille sur le solaire, sur la méthanisation. Il y a encore beaucoup à faire sur ce champ-là. Pour l’hydroélectricité, on peut augmenter les capacités, mais également sur les nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène, qui n’est pas réellement une source d’énergie mais plutôt un vecteur énergétique. Ça permet de stocker l’électricité et ça, c’est extrêmement important dans un monde volatile et incertain”.
* Syndicat d’énergie des Deux-Sèvres. SÉOLIS est une des entreprises de ce syndicat de communes qui fêtera ses 100 ans cette année.
Interview et crédit photo : @alicemorelli_studio