jean-pierre raffarin Le professeur Raffarin et le prisme du leadership

jean-pierre raffarin
Le professeur Raffarin et le prisme du leadership

Aprèsune carrière politique qui l’a conduit jusqu’au plus haut niveau de l’État, Jean-Pierre Raffarin est devenu un sage observateur des soubresauts du monde. Le natif de Poitiers livre ses analyses à travers des ouvrages, des conférences, des cours. Il a récemment édité un texte sur le leadership, un concept qu’il voit comme une clé d’analyse permettant d’éclairer tous les sujets, des tensions internationales à la transformation de Niort

« Ce nouveau leadership niortais a rencontré des circonstances favorables et un appétit des habitants pour que l’image de leur ville soit à la hauteur de ses atouts. »

Jean-Pierre Raffarin, 75 ans bientôt, dispense ses lumières sur les grandes questions que soulève l’époque comme sur les sujets disons … plus locaux comme l’évolution de notre bonne vieille cité niortaise. Une ville qu’il a fréquentée durant l’enfance et plus tard comme chef de l’exécutif régional. « J’ai toujours trouvé que Niort était bien plus belle que les gens ne l’imaginent quand ils ne la connaissent pas. » Ces dernières années, l’ancien Premier ministre perçoit même « un sursaut qui se sent à de nombreux indices visibles au-delà de la ville. » Niort est d’abord bien placée sur des thèmes dans l’air du temps : la société de services et de loisirs, l’environnement, la rénovation urbaine… Et il ne manque pas de souligner « l’alternance politique menée dans un esprit d’ouverture, non partisane » qui s’est opérée ici voici quelques années. « Ce nouveau leadership a rencontré des circonstances favorables ainsi qu’un appétit des habitants pour que l’image de leur ville soit à la hauteur de ses atouts. »

« Nous avons une force économique, militaire mais surtout une force morale car nous avons surmonté la guerre la plus honteuse de l’histoire par l’amitié franco-allemande. »

Depuis son retrait de la vie politique en 2017, Jean-Pierre Raffarin occupe diverses fonctions comme celle de président de la fondation Leaders pour la paix ou encore de professeur à l’école supérieure de commerce de Paris « où l’on m’a confié un cours sur le leadership. » Un concept qu’il a longuement mûri et développé. « Avec les circonstances, je me suis rendu compte que dans les grands sujets qu’on avait à traiter, le leadership était une clé d’analyse utile », avance-t-il. Le drame de la guerre en Ukraine, « ce retour de la bestialité, ce recul de civilisation » sur le sol européen s’observe aussi à l’aune de ce concept. « C’est une dérive du leadership qui est d’abord passée par l’exercice solitaire du pouvoir, puis l’hubris – un goût excessif pour ce pouvoir – avant cette pratique névrotique de l’autocrate. » L’ancien homme d’État voit dans ce conflit une opportunité pour l’Europe, « qui souffre d’un déficit de leaders », de se rattacher à son ADN. « En retrouvant une cohésion entre l’est et l’ouest, puis en renouant avec sa conscience initiale. Car l’Europe s’est construite en surmontant la violence et la honte de la guerre. » Il souligne une mobilisation salutaire de la société civile comme actrice majeure de la gouvernance. « Le pouvoir n’est plus concentré dans les seules mains politiques et institutionnelles. Les sanctions appliquées à la Russie par le mouvement sportif par exemple, comme l’exclusion possible des Jeux Olympiques, touchent l’opinion publique mondiale au cœur. »

Ce sinologue averti observe par ailleurs que la gouvernance mondiale est le théâtre d’une bataille de leadership entre les États-Unis et le géant chinois. « L’histoire a beaucoup traité cette question de rivalité entre le n° 1 et le n°2. C’est le piège de Thucydide, quand une tension dangereuse s’installe entre la nation dominante et l’émergente. » Selon lui,l’Europe, prise en tenaille, doit instaurer un rapport de force pour se protéger. « Quand les Allemands et les Français sont réunis, avancent ensemble, ça marque le monde entier. Nous avons une force économique, militaire mais surtout une force morale car nous avons surmonté la guerre la plus honteuse de l’histoire par l’amitié franco-allemande. » Mais pour l’heure, notre continent ne donne pas le sentiment d’être guidé par une force leader. Le Brexit et la guerre en Ukraine contribuent en outre à la fragiliser. « Je réponds à cela par la nécessité de créer un leadership qui respecte nos différences. Je ne crois pas à la mise en place d’une Europe fédérale de type américain. La nation est chez nous à la base du vivre-ensemble. L’espace national est l’espace de compréhension des choses. »

L’ex Premier ministre estime par ailleurs qu’une collaboration est souhaitable entre l’Europe et la Chine pour le développement de l’Afrique. « Ici il faut agir de façon multilatérale. Les Chinois nous ont fait cette demande à plusieurs reprises, ils sont conscients de leurs difficultés et mesurent que l’Europe a une expérience qui peut être utile en Afrique. J’ajoute qu’une coopération est même à bâtir, avec l’Inde et le Japon qui s’intéressent de plus en plus à ce continent. » Et toujours pour sortir de la tenaille entre la Chine et les États-Unis, il préfèrerait ne pas avoir à choisir : « en consolidant une alliance politique avec les Américains et une alliance économique, sur le développement africain notamment, avec la Chine. »

Jean-Pierre Raffarin milite pour une meilleure collaboration des démocraties entre elles. « Les régimes autoritaires font campagne pour dire que la démocratie vit ses dernières heures. On le voit en Afrique par exemple. Face à la compétition internationale, nous devrions davantage organiser le front et la performance des démocraties. Mais nous souffrons du manque de légitimité populaire. La participation électorale est le sang de la démocratie. Les Américains nous ont donné une belle leçon de ce point de vue avec l’élection de Biden. C’est la participation qui a sorti Trump. »

Entretien téléphonique avec @karlduquesnoy

Crédit photo : @realkafkatamura

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Durée : 30 minutes A propos de J’adore Niort : « Je pense qu’il est très important d’avoir des médias territoriaux pour favoriser l’émergence du pluralisme des leaderships. À Niort vous avez des circonstances qui permettent à des projets comme le vôtre de s’épanouir. Je vous le souhaite. »

Sources livres

– « Choisir un chef – Les secrets du leadership à travers l’histoire », chez Michel Laffon en 2021

– « Ne sortons pas de l’histoire – La diplomatie ou la guerre », chez Michel Laffon en 2023