Bastien Marchive
Le clash politique, une bonne stratégie?
Audimat, buzz à l’Assemblée nationale, notoriété,…Avec ses airs de golden boy, le clash politique a tout d’un grand. Il semble pourtant surtout surfer sur le vide, en bon révélateur d’une civilisation moderne où la forme primerait le fond, comme l’expliquait le sociologue Roland Gori dans son livre « La fabrique des imposteurs ». Qu’en pense Bastien Marchive, député dans la 1ère circonscription des Deux-Sèvres?
« C’est beaucoup plus facile de tenir des discours simplistes, idéologiques et dogmatiques qui font appel à la haine plutôt que de tenir des discours nuancés »
Bastien Marchive
Né à Niort, 32 ans, papa d’une fille de 3 ans, ce Niortais d’origine est un adepte des réseaux sociaux (« …une bonne manière de rendre compte de ce que je fais de façon très directe. Ceux qui souhaitent suivre mon action ou mes prises de position quotidiennes peuvent y avoir accès simplement. C’est aussi un outil de partage, de transparence et d’échanges, et une bonne manière de prendre la température sur un sujet, avec toutes les nuances que cela impose »). Après sa scolarité au Clou Bouchet, il se lance dans des études à Bordeaux puis Paris, obtenant deux Master 2, un en droit public des affaires et un dans le domaine de la construction, de l’urbanisme et de l’immobilier. S’en suivront des expériences en cabinets d’avocats et de conseil, puis à la mairie de Niort où en 2020, à 30 ans à peine, il devient adjoint au maire et son délégué à l’agglomération sur les sujets d’habitat, d’urbanisme et de politique de la ville.
Élu Conseiller Régional en 2021, Bastien Marchive laisse alors sa place pour se consacrer pleinement à ses fonctions de Député depuis juin 2022. Jeune, fraîchement élu député, adepte du numérique, c’est le client idéal pour nous éclairer sur l’omniprésence actuelle du clash dans le monde politique. « Nous sommes dans une société de l’immédiateté. On zappe d’une actualité à l’autre, très souvent aux dépens des débats de fond. C’est beaucoup plus facile de tenir des discours simplistes, idéologiques et dogmatiques qui font appel à la haine ou à la division des uns contre les autres plutôt que de tenir des discours nuancés qui font appel à la réflexion et à la tempérance ». Un constat qu’il regrette. « Le discours simpliste prend souvent le pas sur le débat de fond. C’est dommage, parce que ça dessert la démocratie et ça n’est pas comme ça qu’on fera avancer le pays ».
Le clash serait donc devenu un outil de communication politique qu’on retrouve dans un hémicycle qui confond parfois débat, joute verbale et affrontement de principe pour faire parler de soi sur Twitter ou au journal de 20h. Dès le début de son mandat, plusieurs éléments ont frappé notre député. « La première chose qui m’a frappé et qui a frappé tous les français, ça a été l’attitude de certains députés qui ont annoncé dès le départ qu’ils étaient là pour tout bloquer. On peut se le dire clairement, ils sont à la quête du buzz. La prise de parole devient alors un outil de communication théâtralisé. Au-delà de ça, ça n’empêche pas d’avoir des débats riches et nourris avec des personnes investies sur les sujets sur lesquels elles interviennent. Jusqu’à présent, je retiens qu’on arrive systématiquement à trouver des consensus. Chacune des lois qui était proposée a été adaptée, amendée, discutée, et à la fin, adoptée. C’est l’essentiel. Chacun peut utiliser le clash comme il le souhaite. Soit on l’utilise pour faire du buzz, souvent aux dépens du fond, soit on l’utilise pour faire avancer les choses. C’est plutôt cette deuxième piste que j’ai choisie pour ma part ».
« S’il y a eu 5 minutes d’esclandre sur 15h de séance à l’Assemblée nationale, ce sont ces 5 minutes que vous allez voir tourner sur les réseaux et certaines chaînes d’infos »
Bastien Marchive
Une sagesse que tous, artistes ou politiques, ne semblent pas forcément vouloir suivre. Qui a raison ? Qui a tort ? Ce qui semble en tout cas acquis, c’est que le clash prend vie grâce aux autres, à vous, à moi. Peu importe que l’objet du débat soit authentique ou non, sa forme même fait que nous nous y intéressons. Serions-nous les premiers responsables de cette croissance généralisée du conflit médiatique? Pas forcément, selon Bastien Marchive qui reconnaît que le débat perdure, mais que la manière d’en rendre compte a profondément évolué. « La différence, c’est qu’on médiatise proportionnellement davantage les postures politiciennes que les débats. Sincèrement, quand vous faites 15h de séance plénière à l’Assemblée en une seule journée et que sur ces 15h, il y a eu 5 minutes d’esclandre, ce sont ces 5 minutes que vous allez voir et revoir tourner sur les réseaux et certaines chaînes d’infos. Mais pendant les 14h55 restantes, il y a eu de vrais débats ».
Ce qui semble probable, c’est que l’ère du clash politique ne nous rendra pas plus intelligents. Sa trajectoire fait penser à celle de la téléréalité. Une fraicheur des premiers instants rapidement remplacée par une professionnalisation cynique pour « poursuivre l’aventure ». Les protagonistes les provoquent désormais à dessein, sur la base d’éléments de langage qu’on imagine savamment préparés. Une nouvelle norme du vide se dessinerait-elle?