RULIANO DES BOIS
A la pointe du bic
Julien Jaffre, graphiste pluridisciplinaire, rochelais d’adoption, multiplie autant les créations en tous genres que les collaborations, visibles aux quatre coins de La Rochelle, à Niort où il avait exposé à La Bulle en novembre 2022, et dans le reste de l’Hexagone.Son art est d’autant plus bluffant que son arme fétiche est le stylo-bille.
« Je ne veux pas être dans la routine, même si tout en devient une au final. »
De nombreuses étagères de livres sur un pan de mur côtoient 1200 distributeurs de bonbons PEZ. Des dizaines de Vierge Marie sont rassemblées dans un coin de son cocon. L’atelier de Ruliano des bois est à son image. Hétéroclite. Un vrai cabinet de curiosités qui correspond bien à cet artiste touche-à-tout. Le graphiste est bien connu des Rochelais. Ou du moins ses créations foisonnantes. Affiches de l’espace de musiques actuelles La Sirène, programme culturel du lieu de recherche et de création L’Horizon, marque-pages à la librairie Les Rebelles ordinaires…. Ruliano des bois et ses créations sont partout, diverses et variées. « Je ne veux pas être dans la routine, même si tout en devient une à un moment ou un autre. »
C’est que le presque quinquagénaire est insomniaque. Cela permet à celui qui a déjà un autre métier à plein temps, et une vie de famille avec ses deux fils de 11 et 15 ans, Ulysse et Joseph, de continuer à créer en parallèle. Et il ne s’en prive pas, bien au contraire. « Je vis très bien l’insomnie, j’attends même ces moments, s’amuse-t-il. Je me relève vers 2 ou 3 heures de matin pour travailler. »
Car le Rochelais est un passionné, qui ne s’arrête jamais. « J’ai toujours peint ou créé. Je suis un autodidacte ». Tombé dans la marmite de la création artistique quand il était tout petit, Ruliano des bois a toujours su qu’il voulait créer. « Mon père m’emmenait souvent chez un de ses amis, René Dufois, qui avait une liberté d’esprit et de pensée et que je remercie souvent, qui ne peignait pas pour exposer mais juste pour expérimenter des choses. Mon envie de créer s’est formalisée naturellement, vers 7/8 ans, mais sans vouloir en faire mon métier. »
Ce Rochelais d’adoption, arrivé en 1999 pour suivre sa femme qui avait trouvé un poste, né à Paris et qui a grandi à Tours, a d’abord travaillé dans le secteur de la musique indépendante pour des fanzines, jusqu’en 2001. Mais après 400 interviews de groupes indépendants, Ruliano des bois en avait fait le tour. « J’éprouvais moins de plaisir, j’avais envie de changer. Et j’avais d’autres idées qui avaient davantage trait à des choses graphiques », sourit le graphiste qui s’est alors lancé dans la confection de peluches naïves, qu’il expose à Tours.
Skateboards avec le Rochelais Bizarre Skateboards, étiquettes pour des bouteilles de vin, notamment pour les bouteilles du domaine cidricole des Cinq Autels du Calvados (Normandie), pochettes de disques, tee-shirts et sweats en collaboration avec la boutique de personnalisation, studio de création graphique et atelier de marquage de textiles Conscience, impression sur céramique sur des porcelaines anciennes chinées, affiches pour des théâtres ou des concerts… Ce sont souvent des rencontres qui inspirent et motivent le graphiste, qui a également sa propre maison d’édition, French Frog, avec laquelle il a notamment édité des livres pour enfants ou encore les créations de quelques amis tatoueurs et photographes. « Ce sont d’ailleurs souvent les gens qui me sollicitent, raconte-t-il. J’ai beaucoup de mal à refuser mais la vie est courte et j’aime bien l’idée d’épauler des gens dans leurs projets. L’être humain joue autant que la qualité artistique d’un projet. Et cela me permet de canaliser mon énergie. »
Le Rochelais s’est également lancé dans le street art avec ses collages naïfs petits formats et a invité ses amis à partager son travail dans le monde entier. Bermudes, Thaïlande… On peut ainsi retrouver ses collages dans 120 pays, y compris dans des endroits improbables comme un navire de recherches scientifiques. « On peut faire les choses sérieusement sans trop se prendre au sérieux », aime-t-il rappeler.
Généralement, Ruliano des bois travaille assez rapidement. « Je suis dans une énergie constante. J’aime bien le côté jet spontané. Je ne suis pas du style à revenir 15 fois sur quelque chose. Les erreurs, c’est comme dans la vie, ça fait partie de l’humanité, de la personne, et de la création. »
Sauf sur ses cartes marines qui prennent beaucoup plus de temps. Un travail au long cours qui demande autour de 200 heures, soit entre un mois et demi et deux mois de travail à chaque fois. « J’adore le moment où je mets ma signature en bas de la carte, plaisante-t-il. Je réutilise un fond de carte professionnel existant, acheté aux Puces de mer, sur lequel j’appose un dessin au stylo BIC en lien avec la carte pour apporter un peu de poésie. Des orques, des carpes koï, des macareux… ou des personnages masculins ou féminins. Parfois je reproduis des amis en guise de clin d’oeil. » L’homme a créé 33 cartes depuis 2017. « Je ne veux pas en faire une production de masse, chaque carte est unique. »
CRÉDITS
@julienjaffre.wixsite.com/carolina-et-ruliano
Interview : JDelrieux
Crédit photo : Ruliano des bois