Julie Gayet
veut un festival « proche du grand public »
Depuis trois ans, Julie Gayet se rend chaque mois de juin à Rochefort. Comme Jacques Demy pour ses
« Demoiselles », la comédienne, réalisatrice et productrice a choisi la Cité de Colbert comme décor pour
son festival Sœurs jumelles dont elle est la présidente. Ce rendez-vous, qui a connu sa troisième édition
du 27 juin au 1er juillet, est une véritable rencontre de la musique et de l’image. Pendant cinq jours,
acteurs de la musique et de l’image, professionnels, étudiants et grand public se sont retrouvés pour
échanger autour de concerts, de conversations artistiques, de projections et de rencontres professionnelles.
Au lendemain d’une table ronde avec Benoit Basirico, spécialiste de la musique au cinéma, début juin,
Julie Gayet, toute souriante et vêtue de son tee-shirt « Les Demoiselles de Rochefort », a répondu à
quelques questions à l’Alhambra Studios.
« J’aborde souvent les rôles par la voix du personnage »
Comment est né ce festival en 2021 ?
Je suis sensible à la musicalité des films. Et on a été deux à avoir eu cette idée avec Hélène Girault, ma
collaboratrice chez Rouge International (sa propre maison de production, NDLR), partie depuis vers
d’autres aventures. Elle m’a présenté Éric Debègue (président de Cristal Groupe, éditeur et producteur de
musiques de films NDLR) et Delphine Paul (directrice marketing synchro cinéma et télévision chez Sony
Music Publishing), qui avait aussi envie d’un événement rassemblant l’image et la musique, s’est jointe à
nous. L’important, pour moi, est de rester proche du grand public et de façon itinérante pour partager avec
le plus grand nombre. C’était aussi important d’être en lien avec les festivals des alentours, comme le
festival de cinéma FEMA de La Rochelle (du 30 juin au 9 juillet). Ils commencent quand nous, on finit.
Les professionnels peuvent ainsi rester pour y assister. On est au croisement entre l’image et la musique
avec nos projections et nos concerts. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a inventé nos Conversations
artistiques. Ce sont des performances en live durant lesquelles les artistes viennent parler de leur métier
avec des images pour illustrer leur propos et un show musical. Et ça, c’est une spécificité des Sœurs
jumelles.
Pourquoi avoir choisi la ville de Rochefort pour l’organiser ?
Rochefort est connue pour ses « Demoiselles » et beaucoup de compositeurs viennent enregistrer leur
musique de film à l’Alhambra Studios, tout ne se passe pas à Paris. En Charente-Maritime, il y a une
attention particulière pour les filières musique et image. La Région Nouvelle-Aquitaine y met d’ailleurs
beaucoup d’argent. C’est une terre de tournages. « Anatomie d’une chute », de Justine Triet, qui a reçu la
Palme d’or au Festival de Cannes en mai, a été tourné entre Saintes et Rochefort. Au printemps, je suis
venue tourner à Rochefort et Oléron « Les Mystères de la marée » pour France 3.
La musique a également occupé une place dans votre vie.
J’ai été chanteuse lyrique à l’âge de 8 ans. Je prenais des cours de piano et je n’aimais pas ça. Or, ma
professeur de piano était aussi prof de chant. J’adorais ça ! J’ai chanté jusqu’à l’âge de 21 ans. J’ai même eu
un rôle chanté dans « Les Noces de Figaro » !
Pourquoi avoir alors arrêté la musique pour le cinéma ?
J’avais envie de m’immerger totalement dans les rôles que j’interprétais, de jouer toutes les émotions. Or,
quand on chante, on ne peut pas pleurer ! Mais aujourd’hui, j’aborde souvent les rôles par la voix du personnage.
L’aspect rencontre du festival Sœurs jumelles est important pour vous.
L’idée n’est pas de proposer des spectacles comme dans des Zéniths. Ce n’est pas un festival à 8 000
spectateurs. L’objectif est d’être dans la proximité, l’échange. Les Conversations artistiques, par exemple,
accueillent 300 personnes ; on les a imaginées comme un cocon.
Parmi les différentes propositions, il y avait une soirée 100 % féminine le 28 juin sur la Grande
Scène de la Corderie royale, « Carnaval ». C’est important, pour vous qui avez sorti un livre au
printemps « Ensemble on est plus fortes », de continuer à défendre les droits des femmes ?
Nous avons créé le programme « Toutes et tous à l’unisson ». C’est un programme qui soutient la parité, la
diversité, sur l’ensemble de notre programmation. On veut qu’il y ait autant de femmes que d’hommes, que
ce soit représentatif de notre société. J’ai du mal à mettre les gens dans des boîtes. Quand on organise un
événement autour de la rencontre, il ne faut laisser personne de côté.
Vous considérez-vous comme féministe ?
Oui, mais j’inclus les hommes. Les choses changent, on ne peut pas continuer comme avant. Bien sûr qu’il
y a des lois, mais il faut qu’on change nos mentalités, qu’il y ait une prise de conscience générale. C’est
une question d’éducation. Il faut prêcher la bonne parole pour que les gens prennent conscience des
différences. Malheureusement, la société infuse un sexisme intégré. C’est à nous d’être vigilant. Je crois à
la parité, il faut changer un déterminisme qui est très fort aujourd’hui.
Interview @JDelrieux
Crédit photo : JDelrieux, Igor Shabalin, Marie-Astrid Jamois