Jérémy Nadeau
« Beaucoup trop »
Il est passé des écrans aux planches avec une aisance presque déconcertante. Pourtant, après dix années à exceller sur les réseaux sociaux, Jérémy Nadeau aurait pu préférer le confort des vidéos YouTube et Instagram, aux risques des salles de spectacles. Mais l’envie de rencontrer son public était « beaucoup trop » forte (vous l’avez ?). C’est donc ainsi qu’après avoir rempli le Point Virgule, puis le Grand Point Virgule, à Paris, le trentenaire sera de passage à La Comédie de La Rochelle les 20, 21 et 22 juin prochain avec son tout premier spectacle : « Beaucoup trop » (vous l’avez cette fois-ci ?). Un one man show dans lequel il se présente, en long, en large, et en travers. Et dans lequel il dresse assez justement le constat du fossé qui peut exister entre nos coeurs et nos esprits. Entre anecdotes complètement barrées et moments d’émotions, « Beaucoup trop » est une excellente première fois qu’on vous conseille grandement. Et qu’on a eu envie de vous amener sur un plateau le temps d’une interview. Rencontre avec Jérémy Nadeau, l’humoriste et comédien fraîchement débarqué de la planète réseaux sociaux.
Depuis quelques mois, vous remplissez les salles avec votre spectacle « Beaucoup trop ». Vous êtes ce qu’on appelle un « produit réseaux sociaux », et vous avez excellé pendant dix ans sur YouTube. Qu’est-ce qui vous donné envie de passer du virtuel au réel ?
J’ai toujours aimé regarder des spectacles, et j’ai fait beaucoup de théâtre quand j’étais plus jeune. Petit, j’étais un grand fan de Michel Courtemanche (un humoriste, mime et acteur québécois, ndlr), et je refaisais également tout le temps les sketchs de Omar et Fred. En soit, j’ai toujours su que je voulais que la scène fasse partie de ma vie. Mais j’ai mis un peu de temps à me lancer.
Et pourquoi avoir choisi le one-man show ?
Je n’ai pas vraiment réfléchi. C’est un ami, Akim Omiri, qui lui est dans le spectacle, qui m’a lancé dans le circuit en me trouvant ma première date. Je pense qu’après des années sur les réseaux, j’avais cette volonté d’aller chercher du vrai et des réactions spontanées. Ce qui manquait beaucoup sur le web en fait. J’adore tester des blagues ou des scénarios et constater immédiatement l’effet que ça peut avoir sur le public. À mes yeux, c’est moins frustrant que l’attente qu’on peut avoir sur les réseaux, ou au cinéma.
Pourquoi avoir appelé votre premier spectacle « Beaucoup trop » ?
C’est très simple : j’ai constaté, avec un autre de mes amis, que quand on faisait des vannes, on arrivait toujours à celle de trop. Avec nous, c’est toujours « beaucoup trop » en réalité. Et c’est donc très naturellement que j’ai appelé mon premier spectacle ainsi… En plus, je trouve que ça colle assez bien à mon mode de vie.
De manière très originale, nous avons eu envie de nous servir du nom de votre spectacle pour quelques questions. Bienvenu donc dans l’interview « beaucoup trop » ! On parlait des réseaux à l’instant. Sur votre chaîne YouTube, vous cumulez 3,5 millions d’abonnés, sur Instagram quasiment un million, et sur Twitter, 900 000. C’est pas « beaucoup trop » ?
Je suis tenté de dire que ça n’est jamais assez. En fait, ce n’est pas « beaucoup trop ». Parce que c’est ce qui me permet de remplir les salles, et de montrer mon travail au plus grand nombre. Je ne fais pas ce métier pour la notoriété, mais, force est de constater que les réseaux sont de bons leviers pour montrer son travail. La tournée est complète sur plein de dates, parfois longtemps à l’avance. Et on doit souvent doubler, voir tripler, les dates, comme à La Rochelle.
Et cet amour « beaucoup trop » grand des gens, cela ne vous effraie pas ?
Non, c’est plutôt agréable ! Je suis quelqu’un d’angoissé, donc forcément je pense toujours aux gens, et à leur potentielle déception. Mais j’apprends aussi très vite à me dire que, finalement, ça ne va être que du kiff. Il faut simplement que j’arrive à garder cet état d’esprit.
Voilà, on y arrive. Nous avons cru comprendre que vous étiez quelqu’un de « beaucoup trop » stressé. C’est juste ?
C’est juste ! Je pense que j’ai accepté le fait que je serai toujours stressé, et j’apprends juste à trouver l’équilibre pour vivre avec ce stress. La bonne nouvelle, c’est que j’y arrive de plus en plus. De toute manière, je ne pense pas pouvoir un jour complètement le faire disparaitre, donc autant vivre avec. Souvent, avant de monter sur scène, je suis avec Kaza, qui est mon co-producteur et mon co-auteur, et avec mon petit frère, et ça me fait du bien de ne pas être seul. Même si j’ai besoin de cinq minutes solo avant pour me concentrer, mais vraiment, chez moi, la solitude, c’est à petite dose. Ce petit rituel me permet de mieux gérer ce stress justement.
Si nous sommes bien renseignés, avant d’être humoriste, vous vouliez être trader. À quel moment de votre vie vous êtes-vous rendu compte que vous gagneriez peut-être « beaucoup trop » bien votre vie, mais que vous ne seriez peut-être que « beaucoup trop » pas heureux ?
Effectivement, j’étais un peu dans la finance. En fait, je voulais juste faire un métier conventionnel, qui rapportait beaucoup d’argent. Comme mon père, et comme sa femme. Donc j’avais cette image du travail qui permet de gagner sa vie de manière confortable. Effectivement, j’ai un jour passé un entretien dans une boîte d’assurance, et à la fin, la directrice de l’agence m’a dit « je ne vais pas vous prendre parce que le seul moment où vous étiez passionné, c’est quand vous parliez du théâtre ». Et c’est là, je crois, que j’ai eu le déclic. Elle a changé toute ma vision d’un job, et c’est à partir de ce moment-là que je me suis dit « c’est ça que je veux faire ». Finalement, cette femme, c’était peut-être le moi du futur, déguisé en femme.
beaucoup trop » dans la vie ?
J’aime rire. Et les bonbons. Si je peux être sur scène et manger des bonbons, c’est le paradis.
Que faites-vous « beaucoup trop » au quotidien ?
La sieste. Tous les jours, je fais des siestes. Faites des siestes ! Je regrette amèrement d’ailleurs qu’on ait enlevé la sieste du programme scolaire. J’aime trop dormir en fait. J’adore les siestes où tu ne sais plus où t’es, où tu sais plus ou tu vas… C’est ma passion !
La chose dont vous avez « beaucoup trop » peur ?
J’ai très peur des araignées. Et de l’échec. Les araignées en premier lieu parce que j’ai vraiment la phobie des araignées, et je n’arrive pas du tout à la gérer. Et ensuite, l’échec.
Quelle salle de spectacle aimeriez-vous « beaucoup trop » remplir ?
La Cigale. Je ne sais pas pourquoi, je ne l’explique pas. J’ai déjà fait une première partie là-bas, et j’ai eu un énorme coup de coeur inexplicable pour cette salle. C’est d’ailleurs prévu que je la fasse, mais j’attends encore confirmation. Évidemment, après vient l’Olympia pour les lettres rouges. Mais, je ne sais pas, la Cigale depuis que je suis petit j’en entends parler. Je me demande s’il n’y a pas un spectacle de Gad Elmaleh qui a pu y être capté, et comme j’en étais fan enfant, j’ai dû le regarder pas mal de fois, et ça a dû rester.
La remarque que vous entendez « beaucoup trop » à votre sujet ?
« T’es bon sur scène pour un YouTubeur ». Je n’aime pas trop ce mot à vrai dire, il me terrorise. Je n’arrive pas à me détacher du fait qu’il y a un coté un peu péjoratif avec ce terme. Aujourd’hui, je ne le suis plus, je fais de la scène, je suis plus comédien que YouTubeur. Au final, sur YouTube, je n’ai fait que montrer que je savais jouer.
Quittons cette interview « beaucoup trop ». Nous avons lu que vous pensiez avoir fait le tour des vidéos sur les réseaux, et que vous aviez désormais envie de faire rire autrement. Pensez-vous qu’internet soit définitivement terminé pour vous ?
Ce n’est tout simplement pas les mêmes codes. Quand je suis arrivé sur scène à la base, je suis arrivé avec ma logique des réseaux, mais en fait ça n’a rien à voir. Sur YouTube tu peux faire des trucs plus longs, sur Instagram par exemple, c’est plus court. Et sur scène, tu n’as pas le montage qui peut venir appuyer une vanne. Je trouve ça très intéressant de se tourner vers d’autres canaux. Et dans le fond aussi, tu n’abordes pas les mêmes choses sur les réseaux et sur scène. Je me sens beaucoup plus libre sur les planches. Tu peux te permettre des choses sur scène que tu ne peux pas oser sur internet. Internet c’est un espace de liberté sans vraiment l’être. La faute aux commentaires peut-être. Alors que sur scène, les gens viennent un peu chez toi. Tu les accueilles chez toi, et en ce sens, rien n’est sorti de son contexte comme ça peut être fait sur les réseaux sociaux. Finalement, le spectacle c’est un peu ta zone de confort, et une fois que tu y es, tu as la flemme de quitter ton plaid, celui que tu as mis très longtemps à acquérir.
L’avenir pour vous, c’est le grand écran et les planches ?
Disons plutôt les séries. Car c’est ce que je fais principalement en ce moment. Mais à terme, oui, j’adorerais faire du cinéma. Mais heureusement ce n’est pas un objectif qui m’obsède. Si ça vient tant mieux, si ça ne vient pas, c’est ok. J’ai appris à me détacher de tout ça. Je me suis rendu compte il n’y a pas longtemps qu’avoir un César n’était pas une fin en soi. Je n’ai pas envie de révolutionner les choses, tant que je suis heureux, c’est mon seul objectif.
Nous avons d’ailleurs ouïe dire qu’après le succès de la saison 1 de Cœurs noirs (une série signée Ziad Doueiri, avec notamment Nicolas Duvauchelle, disponible sur Prime Video depuis le 03 février dernier), une saison 2 serait en préparation ?
Ce sont des rumeurs pour le moment. On en sait pas vraiment plus que vous. J’espère qu’il y aura une saison 2. Je croise les doigts !
Racontez-nous un peu le tournage de cette série !
C’était intense, mais tellement bien ! J’attendais vraiment un rôle comme celui-là. Le petit garçon que j’étais était comme un fou d’avoir été pris dans cette aventure. J’ai fait six mois de préparation, j’ai pris 10 kilos pour le rôle, et on a même eu le droit à un entraînement avec les forces spéciales pour être crédible à l’écran. Ça, c’est une expérience très particulière dans le sens où on se rend vraiment compte que les hommes et les femmes engagés dans les forces spéciales sont des héros. Ce qu’ils vivent c’est dingue, mais l’humilité qu’ils ont aussi est folle. À la fin de la journée, ils vont te dire que c’était une journée comme les autres. Tu ne peux qu’être admiratif de ces gens-là. On a donc eu la chance de rencontrer des personnes incroyables qui nous ont ouvert leurs cœurs en nous expliquant leurs vies. C’était tellement marquant. J’en suis ressorti grandi, et beaucoup plus soudé avec mes camarades de jeu aussi. Disons donc que ce stage en immersion a créé une cohésion de groupe très forte, cohésion qui n’aurait pas existé sans ce stage.
Et vous avez récemment terminé le tournage d’un film Netflix avec Marina Foïs et Mathieu Kassovitz ?
Tout à fait. Ça s’appelle « Furies ». L’actrice principale, c’est Lina El Arabi. Et il y a effectivement Marina Foïs et Mathieu Kassovitz au casting. Nous avons terminé le tournage, et désormais, le film est en préparation.
Vous venez de jouer votre spectacle à Paris à guichets fermés. Votre tournée a démarré à Lyon il y a moins d’un mois, et les places s’arrachent comme des petits pains. Avez-vous remarqué des différences entre les différents publics ?
Personnellement, j’ai de la chance, je ne vois pas de différence. Le public de Province est aussi chaud que le public de Paris, donc merci à eux de contredire tout ceux qui me disaient que ça serait plus difficile ici ou là !
À ce propos, quel rapport entretenez-vous avec la tournée ?
Je ne pars jamais tout seul en tournée. J’ai toujours Kaza avec moi, et une première partie. Donc je ne ressens pas du tout la solitude de la tournée. J’adore la tournée en fait parce que c’est synonyme de moments entre potes. D’ailleurs, je filme toujours les backstages avec un vieux caméscope. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire, on verra bien, mais au moins je m’en souviendrai ! Encore une fois, tant que je kiffe, je continue.
Et La Rochelle, où vous jouerez les 20, 21 et 22 juin prochain, vous connaissez un peu ?
Pas du tout ! Mais mon co-auteur, qui est donc toujours avec moi, connaît bien le coin, et il m’a dit que c’était incroyable de vivre là-bas. Donc j’ai trop hâte.
Si on vous dit La Rochelle, vous pensez à… ?
Je pense au Festival de la Fiction. Et à l’Île de Ré, que je connais bien. Donc finalement, si je connais un peu La Rochelle… Pour sa gare, et pour la route qui mène à l’île de Ré.
Pouvons-nous vous souhaiter quelque chose pour la suite ?
Du bonheur, des bonbons, une sieste et pas trop d’araignées.
CREDITS :
Jérémy Nadeau, Beaucoup trop, à la Comédie de La Rochelle les 20, 21 et 22 juin 2023.
Pour réserver : https://www.billetreduc.com/308087/evt.htm
Interview et rédaction : Tess Annest
Photos : Guillaume Plas