Hortense Belhôte La performance, quèsaco ?

Hortense Belhôte
La performance, quèsaco ?

Qu’est-ce qu’une performance en danse contemporaine ? Et quelle est son histoire ? C’est à ces vastes questions que Hortense Belhôte a tenté de répondre lors de sa venue à La Rochelle au printemps dernier à La Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux La Rochelle, avec sa conférence spectaculaire « Performeureuses, une histoire de la performance en danse contemporaine ». Une conférence menée tambour battant durant une heure, à grands renforts de mimes et d’anecdotes, par une artiste intarissable sur le sujet.

« Je cherche à savoir ce qu’est une performance. Finalement, n’est-ce pas l’art de ne pas devenir fou dans un monde qui l’est ? »

En quoi consiste cette conférence spectaculaire ?

Je donne beaucoup, beaucoup d’informations ! [rires] Je parle énormément, je fonctionne avec la saturation. J’ajoute également une dimension autobiographique avec des choses personnelles. C’est une technique classique de prof. Mais le côté objectif surplombe la dimension autobiographique, ça cadre la proposition.

Comment l’idée vous est-elle venue ?

Cette création 2022 est une commande du Théâtre de Vanves pour le festival Artdanthé.L’idée était d’élargir le corpus au-delà de l’histoire canonique de la danse contemporaine, de sortir du point de vue occidental, de se décentrer un peu.

Comment retracer l’histoire de la performance ?

J’utilise la figure de l’historien de l’art allemand Aby Warburg, devenu fou, et sa notion de « survivance ». Celui-ci a proposé aux médecins de la clinique dans laquelle il était soigné, de le laisser sortir s’il prouvait qu’il était capable de fournir un travail scientifique, preuve de sa guérison. Avec le questionnement de la folie, je cherche à savoir ce qu’est une performance. Finalement, n’est-ce pas l’art de ne pas devenir fou dans un monde qui l’est ?

La peinture est également associée à la danse.

J’utilise aussi le tableau « Le Printemps », de Botticelli, en guise de principe de classement, absurde mais pas si fou que ça. Chaque personnage du tableau représente une partie de la conférence. Cela permet de retracer l’histoire mais pas de façon chronologique. Je trouve ça réducteur de s’appuyer sur la chronologie ou sur la géographie.

Cette conférence spectaculaire est à l’image de votre parcours, très diversifié.

C’est devenu ma marque de fabrique [rires]. Cet objet performatif me caractérise bien et renvoie à d’où je viens et à mon parcours à mi-chemin entre les arts. Malgré mon master en histoire de l’art et mes trois ans au conservatoire d’art dramatique, c’est finalement la danse contemporaine qui m’a ouvert les bras. Pourquoi est-ce la danse qui donne carte blanche à la comédienne et l’historienne que je suis ? Qu’est-ce que cela veut dire de la société contemporaine ?

« Une histoire du football féminin » (2019), « Histoires de graffeuses » (2021)… Les femmes sont les personnages centraux de quelques-unes de vos créations. Pourquoi ?

S’intéresser aux femmes en tant que personnages historiques oblige à adopter une position critique globale à l’égard de la mémoire. Pourquoi si peu ont été retenues ? Quelles sont les conditions économiques et sociales qui expliquent cette absence de reconnaissance ? Est-ce que certaines périodes ou certaines personnes ont eu intérêt à favoriser cet oubli ? À qui profite le crime ? Les femmes sont un des angles pour étudier les points de vue minorisés.

Les thèmes de vos conférences sont très différents les uns des autres. Comment les choisissez-vous ?

Les thèmes sont tous très personnels et, même dans le cas d’une commande comme « Performeureuses », je m’assure d’avoir suffisamment de matière intérieure et autobiographique pour mettre en marche la machine. « Histoires de graffeuses » c’était pour le Centre dramatique national de Besançon Franche-Comté et « Et la marmotte ? », une approche historique et sociologique de la montagne, pour le Centre chorégraphique national de Grenoble. Cela correspond à des thèmes qui étaient importants pour chacun de ces lieux, mais ce sont aussi des thèmes qui m’ont parlé, et que j’avais de suite le droit de tordre dans tous les sens, donc j’étais très très libre sur le fond. « 1664 » sur l’absolutisme de Louis XIV et « Portraits de famille, 1789 » sur les oubliés de la Révolution française, ce sont des commandes de personne.

À quels types de public vous adressez-vous ?

J’ai juste besoin d’un vidéoprojecteur et de quelques costumes. Ce qui me permet d’intervenir autant dans des lieux consacrés aux spectacles que hors les murs. J’ai déjà joué dans des lycées, des centres socioculturels. Cela rend le savoir accessible. Avec ces conférences, on rend un sujet qui a l’air compliqué en quelque chose d’abordable, de vivant et de drôle. C’est une forme de médiation.

CRÉDITS

@hortensebelhote.com

Interview @JDelrieux

Crédit photo : Fernanda Tafner