HENRI LECONTE A l’épreuve des balles

HENRI LECONTE
A l’épreuve des balles


Légende vivante du tennis français, Henri Leconte s’est fait connaître par son immense talent et son esprit en marge des idées reçues. Après une carrière remplie de hauts et de bas, l’ancien tennisman était l’invité du Deux-Sèvres Business Club. Retour sur son parcours, ses expériences et sur la sortie de son nouveau livre « Balles neuves »

Vous êtes très à l’aise sur scène. Cela fait longtemps que vous intervenez dans des clubs d’entreprise ? 

Ça fait près de 10 ans mais ça a été un réel travail, ce n’était pas inné.  Ce n’est pas facile de se retrouver sur scène pour la première fois. En tout cas moi ce n’était pas mon fort. En tant que joueur, on n’est pas prêt à ça. Y en a qui sont plus à l’aise que d’autres. Ça dépend de pleins de choses.

Dans votre carrière, on ne vous a jamais préparé à cela ?

Ah non pas du tout. Les plus grands, oui ils ont des équipes de communication qui leurs disent quoi faire, mais nous à l’époque, pas du tout. Ce qui m’a d’ailleurs causé quelques soucis (rires). 

Vous revenez avec une nouvelle autobiographie, « Balles neuves ». Quelle est la différence avec votre précédent livre ?

Ce n’est pas du tout le même livre. Le précédent était plus un livre sur ma carrière avec des règlements de compte. Celui-ci, on a mis 2 ans à l’écrire avec ma compagne. 

On voulait parler des rencontres, des moments importants. On devait être aidé par quelqu’un mais il ne retransmettait pas du tout ce que je voulais exprimer avec mes propres mots. Je voulais vraiment qu’on dise c’est Henri qui a écrit. On est très fier d’avoir trouvé les mots et d’avoir partagé ces moments extraordinaires, sans aucune rancœur, et de se dire, oui, c’est moi qui l’ai fait.

On vous sent plus serein. Vous avez appris à vous aimer ? 

C’est une plénitude, c’est une sérénité, c’est une analyse sur moi, c’est un véritable travail pour accepter ce qui s’est passé dans sa première vie. Il faut aller de l’avant, mais ce n’est pas simple. Il y a toujours de mauvais moments dont on se rappelle, mais il faut les affronter. C’étaient mes choix et je les assume complètement .Et ça fait du bien. Tu te sens mieux, tu dors mieux, t’es apaisé. C’est un long travail d’acceptation et faut être entouré des bonnes personnes. Avec ma méningite, je me suis réveillé d’un coup et je voulais sauver tout le monde. Mais tu ne peux pas sauver la personne si elle ne veut pas… J’ai rencontré des bonnes et des mauvaises personnes, j’ai voulu les soigner et ça n’a pas marché.

Qu’est-ce que vous avez pensé du film « 5ème set » avec Alex Lutz ?

Il est pas mal. Il y a de bonnes et de mauvaises idées. Alex Lutz joue très bien dedans. Mais il manque un truc… Il aurait fallu que ça s’arrête sur quelque chose de positif, à l’américaine. Mais cette soif de « jamais abandonner », oui, elle existe. 

Vous vous rappelez votre fin de carrière ? 

Ah oui. On essaie de sortir par la grande porte mais c’est impossible, on ne peut pas. Faut avoir des couilles et faut la préparer en amont pour bien l’accepter. On veut pousser le bouchon toujours plus loin et à un moment ça se bloque. Mais c’est normal, c’est la compétition du sportif de haut niveau

Comprenez-vous le tennis d’aujourd’hui ?

Je le comprends mais c’est un business , ce n’est plus du sport. Ça serait intéressant de faire un sondage auprès des joueurs et demander s’ils aiment ou pas le tennis. C’est une autre époque. Le sport d’aujourd’hui est devenu totalement différent. Ce qui est important c’est le plaisir, c’est comprendre ses émotions. Et quand tu as du plaisir, tu peux déplacer des montagnes. 

On vous reproche de ne pas avoir géré le discours de votre finale de Roland Garros. Qu’est ce qui a fait que cette phrase vous a été reprochée ?

C’était mon arrogance je pense, plus que la phrase. Le geste aussi et que je réponde à un mec du public, ils n’ont pas aimé.

Vous rendez vous compte de votre impact sur l’ancienne génération ? Tout le monde se souvient d’où il était lors de cette finale de la Coupe Davis à Lyon un soir de 1991…

On s’en rend compte oui, c’est clair. On a fait passer le tennis comme le sport de la France qui gagne. On ne gagnait pas en tant qu’équipes et puis maintenant ça ne s’arrête plus. 

On ne vous a pas demandé de devenir coach pour un joueur ?

Ça pourrait me plaire mais il faudrait que je trouve le joueur qui a envie de souffrir. Je suis un fou, je connais toutes les astuces, comment y aller… Mais bon, aujourd’hui, je n’ai pas envie d’être le « porte raquette », d’aller réserver le terrain parce que c’est un peu l’attitude des joueurs en ce moment. Si le gars perd, c’est à cause de nous, non merci. La fédé n’est jamais venue me chercher mais je fais autre chose. Je me déplace, je vais voir les gens pour le lancement de mon livre. C’est eux la source !

Que faîtes-vous aujourd’hui ?

J’ai ma boite dans l’événementiel. J’organise des évènements que ce soit du golf ou du tennis. Avec ma compagne, on fait des interventions dans différentes sociétés. A côté de ça, je suis président de club à Levallois Perret, je suis consultant RTL pour Roland Garros et les jeux olympiques avec Marie José Perec.

Comment sont vos relations avec Yannick Noah et Guy Forget ?

Il n’y a aucune jalousie, tout au contraire. On est unis à la vie à la mort. On est amis, on se respecte. Yannick est au Cameroun où il est chef de village. Guy est à Biarritz, il joue au golf tous les jours. Quand on se voit, c’est comme si on s’était vus hier. Il n’y a que de la bienveillance.  

Si les réseaux sociaux avaient existé à votre époque, auriez-vous posté des messages virulents comme Benoît Paire ?

Benoît, je pense que quand il se réveillera, il se rendra compte de l’erreur qu’il a pu faire. Il utilise les réseaux, c’est son choix et on n’est pas là pour le critiquer. Par contre, je sais que si j’avais eu les réseaux, on m’aurait matraqué avant de vite oublier. Avant, on faisait la une de l’Équipe, il n’y avait pas beaucoup de sports médiatiques, et on pouvait rester très longtemps en double page. C’était violent. Aujourd’hui, tout va très vite, et une « petite phrase » est rapidement remplacée par un fait divers, et ainsi de suite.

Est-ce que vous repensez à la finale du Roland-Garros de 1988 ?

Oui, j’y repense chaque année le premier jour où j’arrive à Roland Garros, parce que je me dis : « merde, j’ai raté la dernière marche ». Une finale ça se gagne, c’est cruel, ça fait mal. Tu me diras, j’ai la médaille d’argent et personne n’a refait ça depuis. Je crois que cette défaite m’a permis de faire ce que j’ai fait en 1991. Et il faut se souvenir de ça. 

Les gens ne réalisent pas à quel point la pression des athlètes est intense en finale ?

Les gens veulent que tu gagnes et si tu ne gagnes pas, t’es un con. C’est violent. Quand j’étais sur le terrain, je n’avais qu’une envie, c’était de me barrer. 

Est-ce qu’on vous a déjà demandé de vous engager en politique ?

Non pas du tout, je ne fais pas de politique. J’ai préféré devenir président de la section tennis de Levallois et ça fait 14 ans maintenant. La meilleure chose à faire, c’est de ne jamais rentrer en politique. 

CRÉDITS :

Interview @ch_taker

Photos @lambert.davis

@henrileconte

Balles neuves – Paru le 11 octobre 2023 – Disponible partout

Rencontre @ deux-sevres-business-club.fr