Edgar Yves  « Rire de choses peu banales, c’est ce que j’aime »

Edgar Yves
« Rire de choses peu banales, c’est ce que j’aime »

« Avec moi, les interviews finissent souvent en podcast ». Bavard, conscient de ses qualités, Edgar Yves est du genre à s’épancher de longues minutes à chaque question. À l’image de cet entretien, finalement similaire à l’humour du stand-upper : tranchant.

À observer ton parcours, on a l’impression qu’il t’a fallu attendre ton 24ème anniversaire, en 2011, pour que tu prennes ta vie en main en abandonnant tes études de droit et en te lançant pleinement dans l’humour.

Edgar Yves : À part faire plaisir à mon père (l’homme politique béninois Edgar Yves Monnou, ndr), je n’avais aucun intérêt à suivre ce chemin. J’aurais eu de l’argent, j’aurais eu de la reconnaissance au Bénin, mon père étant aussi connu là-bas qu’un Sarkozy ou un Macron en France, mais le bilan aurait été difficile à digérer sur le plan moral. Aujourd’hui, je suis moi-même sur scène, je me plais à amuser les gens, ça donne du sens à mon passage sur Terre.

En 2012 tu as notamment créé un Comedy Club à Nantes. Comment tu arrives à te persuader que c’est dans ce milieu que tu dois t’investir ?

Edgar Yves : Être dans le giron de mon père m’a fait vivre des choses que je ne voulais pas. En investissant l’humour, j’ai donc tout de suite voulu tendre vers l’indépendance, assumer mes responsabilités, quitte à prendre des claques. Très tôt, j’ai endossé ce rôle d’entrepreneur en montant une SASU grâce à laquelle je gère aujourd’hui une équipe de six salariés et à travers laquelle j’ai un contrôle complet sur ce que je fais. Ce serait plus simple de travailler avec un producteur, c’est le cas de nombreux humoristes, mais si c’est pour récupérer un cachet de 500 balles sur une soirée à 10 000 euros, je ne vois pas l’intérêt. Là, je m’assure d’être le boss, de ne plus entrer en procès avec des personnes comme le Comte de Bouderbala, qui disent vouloir t’aider mais ne sont en réalité là que pour encaisser l’argent.

« Parfois je suis insolent, je provoque, mais je pense que l’on comprend où je veux en venir »

Il y a depuis un an un réel engouement autour de toi, notamment grâce aux réseaux sociaux et à YouTube. Vois-tu ces deux média comme un espace d’expression privilégié ? 

Edgar Yves : Ce sont des endroits où je peux exprimer mon potentiel à 100%, où je peux tout dire. Mon sketch sur la cocaïne, par exemple, n’aurait jamais pu passer à la télé de par son sujet, les quelques vulgarités que je balance et mon t-shirt des Bulls. Parce que, oui, tu ne viens pas habillé comme tu veux sur un plateau télé, où tout n’est qu’apparat. Dès lors, pourquoi j’irais me foutre dans des conditions où mon talent ne peut pas s’exprimer pleinement ?

D’autant que tu ne fais en aucun cas l’apologie de la coke…

Edgar Yves : Au contraire, j’expose les différentes merdes qui me sont arrivées en en prenant. Et puis rire de choses peu banales, c’est ce que j’aime, c’est ce qui me singularise. Ma promesse, c’est de distraire les gens de la manière la plus efficace possible, via des sujets et des angles originaux, qui n’appartiennent qu’à moi. Mon sketch sur la corruption, par exemple, personne n’aurait pu le faire ainsi, dans le sens où il faut être fils de politicien pour entrer dans de tels détails. Bien sûr, parfois je suis insolent, je provoque, mais je pense que l’on comprend où je veux en venir.

Ricky Gervais, que tu apprécies, dit être responsable de ses blagues, pas de la manière dont les gens les reçoivent. Tu partages la même approche ?

Edgar Yves : Oui, et ce leitmotiv est encore plus important à revendiquer au sein d’une époque où les gens sont extrêmement sensibles, où ils attendent que le monde entier s’aligne sur leur sensibilité. Perso, je m’en moque. Je pose des mots clairs sur ce que je ressens et vais au bout de mes pensées, même les plus cheloues. De toute manière, on ne me fera pas croire que le français lambda est choqué d’entendre des mots comme « bite » ou « cocaïne » dans un sketch.

Interview @max.delk

Crédit Photos @RenaudCorlouer