Économie
Ebac, Camif : un matelas pour deux.
Ebac et Camif sont deux entreprises niortaises spécialisées dans le meuble. Nées en 1947, partenaires de longue date, elles partagent une stratégie orientée vers le Made in France, l’économie circulaire, la qualité et l’innovation pour tirer leur épingle du jeu sur un marché très concurrentiel. Interview croisée avec Lamine Oukrid, directeur achats et développement chez Ebac et Pierre Launay DG de Camif.
Pouvez-vous rappeler l’origine de la discrète Ebac ?
Lamine Oukrid : L’entreprise a été fondée par Albert Barreau en 1947. Ebac signifie Établissements Barraud Albert Champdeniers. C’était à l’origine une petite structure de ferronnerie. Pascal Barreau, le fils, l’a transformée. Nous sommes aujourd’hui installés à Niort, vers la route de Parthenay, dans 45 000 m2 de bâtiments, la plus grande surface couverte du département. Nous sommes peu connus du grand public car nous travaillons uniquement en B to B et qui plus est en marque blanche. L’essentiel de nos produits endossent le nom de nos clients-distributeurs, des enseignes comme But, Conforama, Litrimarché, Camif…
La société a donc totalement changé de cap.
LO : Pascal Barreau a eu l’idée de faire des sommiers en base métallique avec des lattes. Nous sommes devenus les leaders du marché en France et parmi les premiers d’Europe. Il y a une vingtaine d’années nous nous sommes orientés en plus vers la fabrication de matelas. Ebac est passée de 3 millions d’€ de chiffre d’affaires à 55 millions. Elle compte 90 salariés et une dizaine d’intérimaires selon la saison.
« On a pu montrer qu’avec le Made in France et l’éco-conception on réduit l’impact carbone de 45 % en comparaison d’un matelas similaire fabriqué en Chine. » Pierre Launay
À la Camif, vous connaissez bien ce fournisseur voisin ?
Pierre Launay : Oui bien sûr, nos entreprises sont partenaires depuis trente ans. Nous nous sommes mutuellement vus grandir. Ebac est l’un de nos 125 fournisseurs français. Nous avons récemment mis au point, ensemble, un matelas conçu à base de bouteilles plastiques recyclées : Timothée. Nous partageons avec eux cette même volonté d’innover que nous étendons à d’autres produits. Ce matelas par exemple nous permet de tirer le fil et d’utiliser dorénavant des mousses recyclées pour les assises de canapé, car nous vendons l’ensemble du mobilier de la maison.
Vos deux entreprises ont résolument pris le créneau du made in France.
LO : Notre ligne de conduite depuis quatre ans c’est Français et responsable. Nous cherchons à sourcer les fournisseurs de notre pays même s’ils sont 20 à 30 % plus chers et qu’il est encore difficile de tout trouver ici. Depuis un an nous bénéficions de la certification OFG, Origine France Garantie pour de nombreuses références. Nous devons parfois aller chercher des matières premières hors de nos frontières pour rester dans le budget de nos clients. Nos produits sont fabriqués à Niort.
PL : La Camif a connu deux vies. La première a débuté avec les instituteurs assurés par la MAIF naissante. Elle a développé avec succès la vente par correspondance sur catalogue jusque dans les années 2000. Mais l’entreprise a manqué le virage du e-commerce, le modèle a périclité. Son image s’était développée autour de la qualité et du made in France. Nous avons gardé le fil conducteur pour démarrer sa 2e vie sous l’impulsion d’Emery Jacquillat qui a repris l’entreprise. En 2017 nous avons concrétisé l’idée en devenant la première société à mission avec des objectifs sociétaux et environnementaux inscrits dans nos statuts.
« Nous sommes peu connus du grand public car nous travaillons uniquement en B to B et en marque blanche pour les distributeurs. » Lamine Oukrid
Quels sont les avantages sociaux de votre modèle ?
PL : Quand on crée un emploi chez Camif on en crée dix en France, c’est une chaine vertueuse. Même si nous renonçons à 7-8 % de chiffre d’affaires avec ce choix, nous sommes convaincus que c’est la bonne solution.
Cet ancrage local peut paraître étrange dans un contexte de mondialisation, mais je suis certain que l’on va devoir rassembler nos forces. C’est ce que j’apprécie dans ces partenariats comme avec Ebac. Nous sommes des Petits Poucets qui se serrent les coudes pour faire du bon travail.
Votre goût pour l’innovation est motivé par la diminution de votre impact environnemental.
LO : Chez Ebac nous sommes tous un peu des couteaux suisses. Nous visitons des salons un peu partout pour trouver des idées innovantes. Même s’il est vrai que la loi Agec (anti-gaspillage et pour une économie circulaire) nous incite à nous remettre en cause, nous ne l’avons pas attendue pour intégrer des fibres polyester recyclées, comme le fil Seaqual, à nos productions, par exemple.
PL : Il est vrai que l’innovation sert aussi à se différencier sur un marché hyper concurrentiel.
Mais la démarche n’est pas de l’ordre de l’écoblanchiment. On calcule aujourd’hui l’impact carbone des produits et on réalise une analyse de leur cycle de vie. On a pu montrer qu’avec le made in France et l’éco-conception (mousses et tissus recyclés) on réduit l’impact carbone de 45 % par rapport à un matelas similaire fabriqué en Chine.