Denis Barthe Noir c’est Noir 

Denis Barthe
Noir c’est Noir 

L’ancien batteur du groupe Noir Désir revient sur cette année rythmée par de nombreux projets artistiques. D’une rencontre à une autre, le musicien participe à plusieurs œuvres musicales depuis  2022, notamment cette ré-adaptation d’Andromaque de Racine avec Florence Coudurier, de passage à Aiffres et Saint-Maixent en Novembre dernier. Entre son groupe The Hyenes, The Very Big Small Orchestra et Noir Désir, Denis Barthe est revenu sur sa carrière animée de passion. 

“La scène c’est comme une drogue. Cinq minutes avant de te lancer, tu te demandes ce que tu fous là mais, une fois sur scène, ça te transcende.”

Votre groupe, The Hyenes, a été créé à partir de la bande originale du film d’Albert Dupontel. Les gens viennent vous solliciter pour des projets annexes qui finalement se concrétisent dans le temps…tout comme votre rencontre avec Florence Coudurier d’ailleurs.

Oui,c’est  souvent le cas. La pièce d’Andromaque s’est faite comme ça. Mon groupe, The Very Big Small Orchestra jouait pour Aliénor d’Aquitaine deSandrine Biyi et Katy Bernard. Florence Coudurier était l’interprète. Elle m’a proposé d’être batteur pour Andromaque. Elle voulait incarner tous les personnages de sa pièce et que je l’accompagne. Je lui ai dit “Comme ça a l’air impossible, allons-y !”. Pour le BD concert, c’est né d’une rencontre avec un parent d’élève. Un soir d’été, je prenais l’apéro chez Thierry Murat et il m’a proposé de mettre en musique sa prochaine BD. A deux mois du festival d’Angoulême, Thierry m’apprend qu’il y est invité pour présenter son film. Avec The Hyenes, on a sauté sur l’occasion malgré le délai. Au total, on a créé 118 musiques.On a pris beaucoup de plaisir à le présenter au public, dans des prisons, des écoles et des médiathèques. Le Centre Pompidou nous a même demandé de nous produire en concert là- bas. Ce beau projet a duré quatre ans. On a ensuite confié à Thierry le troisième clip de Verdure.

Après avoir été sur la route pour de nombreuses tournées, vous vous êtes davantage dirigé vers un travail de mise en scène. D’où vient cette diversité dans vos projets ?

Honnêtement, le live me manque. La scène c’est comme une drogue. Cinq minutes avant de te lancer, tu te demandes ce que tu fous là mais, une fois sur scène, ça te transcende. J’essaie de faire confiance à mon intuition pour saisir les opportunités qui se présentent comme avec Thierry Murat. Tous mes projets ont vu le jour grâce à des rencontres.

Votre album Verdure est sorti dans un contexte particulier de pandémie. Pourriez-vous nous en dire plus sur ses conditions de sortie?

La version acoustique de Verdure est née de ces aléas. On avait prévu une grande soirée à la guinguette Chez Alriq, à Bordeaux, pour la sortie de l’album. On était à la veille du premier confinement. Seulement un jour avant la fête, la préfète a posé un arrêté interdisant toute “manifestation audible”. On s’est résolu à abandonner la scène pour jouer en acoustique au milieu du public de la guinguette. C’était de la folie, on a dû monter le matériel adapté pour l’acoustique toute la nuit.  Jouer nos morceaux dans ces conditions nous a permis de les redécouvrir. On s’est dit : “C’est trop bon, il faut sortir une version acoustique de l’album”. 

“Quoi que vous fassiez, ne perdez jamais le plaisir.”

Personnellement, comment avez-vous vécu le confinement ?

J’avoue que j’ai parfois été désobéissant. Avec mon groupe, quand on pensait ne pas mettre les gens en danger, on faisait des concerts. Jouer face à un public masqué, c’était particulier. Je me souviens d’un concert où Arthur de Feu Chatterton! est monté sur scène et  a invité le public à se lever malgré l’interdiction. Tout le monde s’est mis à danser avec les masques. On a vécu des aberrations pendant la période covid. Je trouve que nos principes de “liberté, égalité et fraternité” n’ont pas été respectés. En tous cas, je pense que la crise aurait pu être gérée différemment. Ma seconde fille a eu 18 ans en plein confinement. Il y a une génération qui a découvert l’école avec des masques. Bref, j’ai trouvé tout ça spécialement dur et injuste. 

Quelle place la musique a-t-elle eu dans votre vie ?

A l’origine, je suis un passionné de sport. Quand j’ai découvert le rock, j’ai mis au placard mon kimono. On partait dans le vieux bus Volkswagen de Fred pour chercher jusqu’en Bretagne des clubs où jouer. On ne faisait plus que ça. Franchement, la musique m’a sauvé. Mais, à la naissance de ma fille, j’ai eu besoin de m’éloigner du monde de la fête et du rock’n’roll. Je me suis installé à la campagne et j’ai pu me concentrer sur ma vie de famille.

Etes-vous nostalgique du temps de Noir Désir ?

Noir Désir, c’est d’abord une histoire de potes, puis, une belle histoire musicale.  On pouvait pousser des montagnes ensemble. On a partagé 30 ans d’aventure, on a vécu des trucs incroyables. Quand je pense qu’on a joué en URSS, dans une ville qui est aujourd’hui rasée à cause des bombardements !

Mais, ça appartient au passé.  J’ai failli arrêter de travailler dans la musique quand le groupe s’est arrêté. Ma grande fille m’a fait changer d’avis. Quoi que vous fassiez, ne perdez jamais le plaisir. 

Le groupe s’est arrêté pour une raison extra-musicale. Est-ce que cela vous a laissé un goût d’inachevé au niveau artistique ? 

On avait plein de projets. On n’était pas à sec au niveau musical. Mais, le motif d’arrêt était assez extrême pour qu’il n’y ait pas de discussions. La machine médiatique ne nous a pas épargné. Les magazines people se sont emparés du sujet sans nous demander notre avis. Je ne regrette pas cette dissolution. Je ne remercierai jamais assez Albert Dupontel de m’avoir contacté à l’époque pour faire le générique d’Enfermé dehors. Juste après la sortie du film, on a été contacté plusieurs fois pour faire des concerts alors que le groupe The Hyenes n’existait même pas encore. 

“Noir Désir, c’est d’abord une histoire de potes, puis, une belle histoire musicale.  On pouvait pousser des montagnes ensemble”

Quel est votre ressenti quand vous jouez sur scène ?

Chaque expérience sur scène est unique. Ca m’a toujours frappé la manière dont certains artistes évaluent leur passage sur scène en se demandant s’ils ont fait un “bon concert ou pas”.  Pour moi, un bon concert ne repose pas seulement sur l’artiste. C’est l’échange d’énergie avec le public qui détermine la qualité de la représentation. 

Quelles musiques écoutez-vous en ce moment ?

 Je me rappelle qu’avant, ça m’arrivait de n’acheter un album que pour la pochette. Parfois, j’avais des bonnes surprises à l’écoute. Je ne le fais plus. J’ai découvert sur Youtube un groupe de rock islandais fabuleux, Kaleo. Sinon, Feu Chatterton met le feu à la scène, c’est vraiment chouette. 

Vous êtes engagé politiquement à la mairie de votre village. Quel est votre ressenti sur ce choix-là ?

Je suis à mon deuxième mandat. Maintenant que j’ai un aperçu des coulisses de la mairie, je comprends que les choses intéressantes ne peuvent se faire que de l’intérieur, même si ça prend du temps. Quand on travaille à “l’intérieur”, on sait ce que c’est que de proposer un projet et qu’il sorte de terre trois ans après à cause de contraintes administratives. Cette activité demande beaucoup d’investissement. J’ai eu peur de me lancer au début. Puis, je me suis pris au jeu. J’ai envie de dire aux gens : “engagez-vous, même si c’est maladroit, parce que c’est comme ça qu’on fait changer les choses”. Il faut mettre les mains dans le cambouis. 

CREDITS :

Interview @ch_taker

Texte @colinechpr

Photos @realkafkatamura