Christophe Alévêque est-il vraiment un vieux con ?
Vous avez dû vous en rendre compte, mais le temps passe. Déjà 30 ans que l’humoriste Christophe Alévêque s’est fait connaître dans « Rien à cirer », la fameuse émission de Laurent Ruquier. Une époque révolue où les chroniqueurs se nommaient Didier, Jean-Luc, ou Jacques. Revoilà ce râleur invétéré avec son premier roman et nouveau spectacle, logiquement intitulé « Vieux con ? ».
Un homme qui crée un club de libre-penseurs intitulé « le club des vieux cons modernes » ne peut pas être foncièrement mauvais. Avec ses 3400 adhérents, l’homme pourrait commencer à se penser gourou, mais reste sage et humble. Poil à gratter, râleur, parfois cynique, souvent incisif, le natif de Saône-et-Loire ne garde pas pour autant sa plume dans sa poche. Au point parfois de déraper en mode non contrôlé, ce qui l’avait conduit à payer 5 000 euros à Zinédine Zidane après des propos limites en 2013. Depuis, de l’encre a coulé sur les feuilles, et Christophe Alévêque revient avec un nouveau spectacle au titre interrogatif. Alors, Vieux con, Christophe Alévêque ? Nous sommes allés le rencontrer à l’occasion de son passage au festival Ah ?, à Parthenay.
Comment allez vous dans cette époque agitée?
En ce moment, je tourne avec deux spectacles : Vieux con ?, et une revue de presse qui change tout le temps. Je m’en donne à cœur joie, mais l’actualité dans son ensemble est terriblement anxiogène depuis la pandémie. C’est assez inquiétant. Et pour le moral, c’est pas terrible. Je décortique 3 ou 4 journaux par jour, et je suis obligé de faire des pauses tant il y a de mauvaises nouvelles.
Quelles sont vos méthodes pour adoucir votre existence ?
Je n’en ai qu’une : crever l’abcès. C’est-à-dire de rentrer de plein fouet dans le problème au lieu de le contourner. C’est ça qui crée le rire. Dans la revue de presse, j’adore revenir sur des événements. Mais je m’aperçois que l’actualité va de plus en plus vite. On n’a pas vraiment le temps de traiter, d’analyser. Le temps de la réflexion est fini. Aujourd’hui, il y a le temps réel, et le ressenti. Parler d’un événement qui s’est produit il y a 3 mois, ça nous semble déjà une éternité.
En parlez-vous dans votre spectacle « Vieux con ? » ?
Dans le spectacle, je reviens par exemple à un moment sur la pandémie. C’est pas rien. En jouant les premières, je me suis rendu compte que les gens avaient quasiment oublié, alors que c’est historique et que ça a représenté deux ans de notre vie. J’en ai rajouté et ça fait du bien aux gens de revenir sur cette période où l’absurdité a souvent régné en maîtresse.
Quelle est la ligne directrice de « Vieux con ? »
L’idée est simple. Pendant le spectacle, je réfléchis à haute voix pour parvenir à expliquer à mon petit dernier dans quel merdier nous sommes. Cette réflexion me permet de passer au crible tout ce qui déraille dans la société. Je m’attaque notamment au nouvel ordre moral.
En quoi ce nouvel ordre est-il différent du précédent ?
Dans ma jeunesse, et jusqu’à il y a 15 ou 20 ans, la morale venait de la droite. Aujourd’hui, elle vient de la gauche. Il y a eu un basculement idéologique. Les gens de gauche n’osent pas le dire, mais ils sont pris dans un carcan idéologique très fort. Un carcan assez terrible, puisque tout ce qu’il porte serait « pour notre bien », et on ne peut donc pas lutter contre. Je pense que c’est en train de nous étouffer. Et d’étouffer aussi la création, la liberté d’expression. Toute personne ne rentrant pas dans le couloir de pensée correcte, manichéisme ambiant aidant, est de suite basculé dans le camp des réactionnaires dangereux, voire monstrueux. Le spectacle sert à libérer cette parole, car je sens que les gens commencent à en avoir marre.
“Un spectacle vivant, c’est fait pour vivre et mourir.”
Vous venez également de sortir votre premier roman, « L’enfant qui ne parlait plus ». Pourquoi ce besoin ?
Ce qui me plaît le plus dans ce métier, c’est d’écrire. Jusque-là, je n’avais écrit que des essais, des pamphlets. Je n’avais jamais osé me confronter au roman. J’ai d’excellents retours sur le livre, et j’en suis très content. D’autant que les écrits restent. Alors qu’un spectacle vivant, c’est fait pour vivre et mourir.
Votre roman raconte l’histoire d’un père de famille confronté au mutisme de son enfant suite à une tragédie. Pourquoi ce thème ?
Christophe Alévêque: Si je prends l’exemple de Niort, je vous dirais que j’y ai beaucoup travaillé. J’y ai joué, j’y ai fait des résidences pour écrire des spectacles. Je connaissais par cœur la ville, et notamment le moulin du Roc. J’adorerais revenir y jouer.
@ChrAleveque
Interview : @Albert_Potiron
Crédit photo : DR