SPORT Vous ne marcherez jamais seuls…

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Vous ne marcherez jamais seuls…


Ils sont le cœur battant des clubs de football. Les joueurs passent, les dirigeants s’évaporent, les clubs s’effondrent parfois, mais les supporters restent. Ils assurent la pérennité des institutions à travers les vicissitudes, les humeurs et les intérêts très particuliers.

You’ll never walk alone, le titre repris par Gerry and the Pacemakers est devenu l’hymne du club de Liverpool FC dans les années 60. Les supporters de Dortmund et du Celtic de Glasgow l’ont aussi adopté. Ce chant fédérateur repris à plein poumon par toute une tribune colorée vrille les tripes et porte les joueurs vers les exploits.

Rien de tout cela ce vendredi 26 avril sous une fine bruine de printemps au stade René-Gaillard à Niort. Les moyens sont incomparables. Pourtant, les membres du groupe de supporters Niort 1925 avaient à cœur d’envoyer ce même message avec une ferveur identique aux joueurs des Chamois niortais : 

« Quand tu traverses une tempête  Garde la tête haute. Et n’aie pas peur de l’obscurité (…)

Tu ne marcheras jamais seul

Tu ne marcheras jamais seul 

(You’ll never walk alone.)»

Depuis, la tempête a tout balayé, l’obscurité est tombée sur les Chamois niortais… mais eux, ils sont toujours là. Ils n’ont pas menti. Ils continuent de marcher aux côtés de leur club. « Niort 1925 reste fidèle aux Chamois. Quel que soit leur niveau, nous sommes présents ! La flamme ne s’éteindra pas. C’est notre passion, notre vie. Nous aussi on adore Niort», envoie Jean-Pierre Bureta, le président de l’association des supporters Niort 1925 malgré le séisme qui a fait disparaître son club des tablettes du football professionnel.

Mais en ce printemps 2024, l’espoir est encore bien présent. Les Chamois reçoivent Martigues, deux points derrière au classement. Une victoire permettrait de creuser un écart sans doute décisif à trois journées de la fin et de sceller la remontée en Ligue 2. Pour la grande occasion, les supporters ont conçu un splendide Tifo géant qui sera déroulé sur la tribune juste avant le coup d’envoi. 

Malgré la relégation de la saison précédente en division National, les supporters ont fait bloc. Jean-Pierre, Stéphane, Bernard, Francette… ont fait tous les déplacements comme tous les ans. « Nous en faisons 70 % par nos propres moyens, le vendredi après le boulot. » Nîmes, Sochaux, Bastia, Caen, Grenoble… « les kilomètres ne nous font pas peur. Je ne sais pas combien de tours du monde on a pu effectuer. Notre bâche “Niort 1925“ a été vue partout. »  Jean-Pierre Bureta, 54 ans, salarié de la MAIF depuis bientôt trente ans, voue ainsi son temps libre aux Chamois niortais. « Mon plus beau souvenir de supporter, je pense l’avoir vécu à Ajaccio (le 26 mai 2012). Une victoire, qui nous a permis de remonter du National en Ligue 2. On l’a vécue au plus près des joueurs. On les avait retrouvés à l’aéroport, avant de repartir en bateau, nous. » You’ll never walk alone…

Son père, spectateur “classique“, emmenait le petit Jean-Pierre au stade René-Gaillard. À l’âge de seize ans, il a besoin de s’investir. Il adhère aux Brigades niortaises, le groupe constitué pour accompagner l’irrésistible ascension des Chamois jusqu’aux sommets de la Division 1 (ex-Ligue 1) en 1987. Depuis, il est de toutes les aventures, de scissions en recompositions. De l’association des supporters des Chamois niortais, au kop de la Venise verte en 1995, les Unicamox en 2000 et enfin Niort 1925. « C’est comme une foi intérieure. On est né avec ça. J’ai même un tatouage Chamois sur l’épaule. » Son épouse, rencontrée au sein de l’association est consumée par la même passion. Son frère Stéphane aussi, qui ne regarde rien d‘autre en matière de foot « même pas l’équipe de France. »

Ce 26 avril 2024. Les Chamois dominent sans se montrer assez dangereux. A la 11e minute, Martigues ouvre la marque sur un contre. Les Niort 1925 redoublent de vigueur. « On se motive depuis ce matin 7h. » C’est Jérôme, au tambour, qui lance les chants. « Lalalala, Pour vous on sera toujours là (…) Les supporters vont se casser la voix, ils chantent pour les Chamois. Lalalala.. » On est loin de la poésie de Gerry and the Pacemakers mais le soutien est là.

Les Niortais égalisent peu après mais encaissent un second but juste avant la pause. Le stress monte, l’enjeu est de taille. Même si ce jour-là, personne ne peut supposer que le club joue bien plus qu’une accession. Jean-Pierre se veut rassurant à la mi-temps. Il savoure le moment. « On voit que les joueurs ont envie. On retrouve l’atmosphère Ligue 2 et un stade bien garni. C’est merveilleux ! » Les Niort 1925 sont debouts, bien au centre de la tribune, pour que les autres spectateurs reprennent les chants sans temps mort. Écharpes et drapeaux sont brandis. Le 12e homme fait sa part de job. 

A quelques mètres de là, un autre groupe de supporters s’égosille en des termes plus fleuris. « Les têtes brûlées ont fait scission pour créer les Ultras Niort. On s’entend bien avec eux mais chacun reste dans son coin à domicile. Nous nous rassemblons à l’extérieur. » Chez les autres clubs, ce sont les Ultras qui font le plus de bruit. Pas ici. 

Jean-Pierre se souvient que le kop de Martigues n’avait pas été très sympa à l’aller, pas question d’aller se chauffer avec eux. « Même s’ils nous provoquent on ne répondra pas. »

Les Niort 1925 sont adeptes d’un supportérisme passionné mais ultra… respectueux. « Nous demandons par exemple à nos gamins de laisser les tribunes propres après notre passage. Et surtout nous prônons l’inclusion. Tous les âges sont représentés chez nous, il y a des femmes, des hommes, des personnes handicapées physique et mentale. C’est ce qui fait la beauté du groupe. C’est familial, c’est une fête ! » On est aux antipodes des rendez-vous bastons sur les aires d’autoroute, des caillassages de bus, des cris de singes… qui alimentent souvent la chronique du supportérisme. Fidèles à leur mémoire, les Niort 1925 transportent leurs cicatrices avec eux. Leportrait de Matéo, membre récemment disparu en rando et la banderole hommage à Emiliano Sala, ancien buteur du club, tragiquement décédé en 2019, ne les quittent pas. You’ll never walk alone…

Fin du match. La nuit tombe sur ce 26 avril. Les Chamois s’inclinent 1-3. « On a pris un coup sur la tête. Chaque défaite est un déchirement. On va aller débrieffer tout ça au local. La fête est gâchée, mais ce n’est pas fini », positive Jean-Pierre. Malgré la déception, les joueurs viennent saluer les groupes de supporters, la moindre des choses sans doute… « J’ai râlé plusieurs fois auprès du club, surtout quand on s’était saigné pour faire des trajets et que les joueurs ne venaient même pas nous saluer. » 

Les trois derniers matchs de la saison ne permettront pas aux Niortais de repasser devant Martigues. La suite sera un enchaînement de déconvenues, d’exclusion des compétitions nationales, de rétrogradations administratives jusqu’au niveau régional. « Est-ce que le destin des Chamois aurait été différent avec la montée ? interroge Jean Pierre. La dette était là, mais avec les droits TV et le statut d’équipe de Ligue 2, on aurait sans doute attiré les investisseurs… » On ne refera pas l’histoire mais le ressentiment est toujours présent pour des supporters trahis, bernés par des dirigeants sans vergogne et des instances inflexibles. L’heure n’est plus à la plainte. Jean-Pierre est investi au sein des instances devenues amateures. Il tient toujours son rang en tant que trésorier des Niort 1925. « On est moins nombreux. Sur les 73 membres, il en reste 45. Il n’a jamais été question d’arrêter. Les Chamois existent et continueront d’exister. Ils vont renaître de leurs cendres. On va revenir. Ça va être long, il y aura des obstacles mais on sera toujours là. » Vous ne marcherez jamais seuls. 

CRÉDITS :
Interview @karlduquesnoy

Crédit photo @realkafkatamura

Loog web @Niort 1925