Philippe Lellouche Bienvenue à son bord

Philippe Lellouche
Bienvenue à son bord

Dans la catégorie assez rare des acteurs moins connus que leur frère, Phillipe Lellouche, frère du comédien Gilles, se pose là. Nous l’avons rencontré pour parler non pas de cette subtilité familiale mais de son dernier spectacle et premier one-man show : Stand alone. Ou quand un quinquagénaire en pleine forme tire à boulets rouges sur une société pas toujours à son goût. Des rires à consommer prochainement à Poitiers. 

Dans le métier, on appelle ça une tronche, un physique, une gueule. Vous l’aurez compris, l’israëlo-français Philippe Lellouche n’est pas un acteur comme les autres. En voilà un qui inspire immédiatement la sympathie, qui respire la joie de vivre et donne envie de partir en vacances avec lui pour s’envoyer des canons et partager des barbecues au clair de lune. C’est peu de dire que le garçon irradie. Son petit côté beauf assumé ne colle plus forcément à l’époque actuelle. Une époque travaillée au sécateur dans Stand Alone, son premier one man show. Un moment mêlant punchlines acides, autodérision sur sa vision de quinquagénaire et tendresse lorsqu’il évoque son père. Qu’est ce qui pousse donc autant Philippe Lellouche ? Le rire ! Et si nous faisions la même chose en allant le voir sur scène ?

Stand alone est votre premier one-man show. Qu’est ce qui vous a donné envie de tenter cette aventure et pourquoi maintenant ?

D’abord parce que je pense que c’est à mon âge un peu avancé qu’on a des trucs à raconter, même s’ il y en a qui le font très bien et qui sont les témoins d’une époque. Moi, je suis le témoin d’une autre époque, ce qui me permet de faire la comparaison entre les deux. L’époque actuelle est tellement absurde et il y a tellement à dire que ça mérite bien un spectacle où on tourne les choses à l’humour. L’essentiel, c’est quand même de rigoler des choses qui vous énervent ou qui vous agacent. 

Dans ce spectacle, il y a en effet pas mal de coups de griffes contre la société actuelle, contre une jeunesse qui peut parfois se positionner de façon étrange. Ne seriez-vous pas en train de devenir le vieux con que vous critiquiez probablement quand vous étiez jeune ?

Si. C’est une évidence. Avec une petite différence quand même si on parle par exemple du réac qui est souvent l’insulte suprême pour un jeune. Quand j’étais môme, un réac c’était quelqu’un qui voulait plus d’ordre et de sécurité. J’ai l’impression qu’aujourd’hui les réacs sont ceux qui veulent plus de libertés. En ce sens là, je suis un réac’. J’ai connu un monde où tout était faisable et possible. On pourrait en débattre – ça c’est un autre sujet – mais on assiste aujourd’hui à un retour en arrière, bien avant les années 80. On vit dans une ambiance ficelée qui ne me convient pas toujours. Ceci dit, si je suis un vieux con drôle, tant mieux.

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Vous êtes également plein d’autodérision avec les quinquagénaires dont vous faites désormais partie. 

Bien sûr. Mon premier sujet de moquerie, c’est moi et tous ceux qui me ressemblent. Et dans notre génération, on est pas mal à se ressembler. 

Vous aviez commencé votre parcours par des études de journalisme. Cela vous est-il utile aujourd’hui dans votre métier ?

Vous, moi, chanteur, réalisateur, auteur, écrivain, acteur…Je trouve qu’on fait tous le même métier, on raconte des histoires. Quand on est journaliste on est dans le factuel, il y a peu de place pour l’imagination. De mon côté, je fais ni plus ni moins le même métier que vous sauf que je peux me servir de l’imaginaire. Je ne suis pas contraint par la réalité. Mais sinon, c’est la même chose : écrire et raconter.  

Aujourd’hui, les journalistes sont souvent décriés, notamment sur les réseaux sociaux. Quel avis portez-vous sur cette profession qui n’est pas facile à exercer ?

C’est vrai qu’elle n’est pas facile à exercer, mais elle est utile dans une époque où la culture et l’histoire passent au vingtième rang. Avec l’absurdité du wokisme, on en est jusqu’à remettre en question les historiens même. Là, on est dans le délire. Comme témoin de son époque, un journaliste doit absolument donner de vraies informations. Pour moi, le journaliste n’a jamais été aussi utile qu’en ce moment. Je parle du vrai journaliste, pas des influenceurs ou des mecs qui se baladent avec un smartphone et qui se pensent génies de l’info. Un journaliste aujourd’hui a un devoir sociétal.

Dans votre parcours professionnel, vous avez exercé de multiples métiers : acteur, réalisateur, animateur télé, chanteur, etc. Quelle casquette avez-vous préféré ?

Toutes, mon colonel. C’est que je vous disais à l’instant, pour moi c’est la même chose même si c’est à chaque fois un exercice différent, ça part du même postulat. J’ai été beaucoup happé par l’idée de faire rire. C’est ce qui ressort de mon parcours. Je n’ai pas vocation à être un moralisateur ou un donneur de leçons. Pour moi, le meilleur véhicule pour faire passer un message, c’est le rire. Le rire est universel. A une table, si tout le monde rit des mêmes choses, c’est rare qu’on en vienne aux mains si vous voyez ce que je veux dire. Beaucoup prêchent l’amour. Je suis plus rire, car il mène aussi à l’amour. On néglige l’importance du rire dans notre société et dans le monde. 

Vous avez quatre enfants. Si vous aviez un message ou un conseil à leur faire passer pour leur futur, quel serait-il ? 

C’est le titre d’un livre que j’ai écrit il y a trois ans qui s’appelle « N’oublie pas d’être heureux ». C’est ce que je leur dis régulièrement. La quête et ce par quoi passe le bonheur, c’est à eux de le trouver. Ça peut être une recherche merveilleuse. Recherchez à être heureux. Le reste n’a aucune importance. L’argent, on s’en fout. Ça va, ça vient, ce n’est pas un problème. Être heureux, c’est ça la seule quête importante. 

Être heureux, ça passe souvent par le partage. Actuellement vous jouez seul sur scène. Préférez-vous jouer seul ou accompagné ? 

Difficile de répondre, car ce sont deux exercices tellement différents. En ce moment, les gens viennent nombreux et ils rient. J’ai de la chance. Pour l’ego, ça devient alors formidable de jouer tout seul. On ne partage rien. C’est que pour moi, merci ! (Rires). Jouer un personnage dans une pièce ou dans un film, le trouver, le jouer, c’est aussi génial. J’ai du mal à choisir dans tout ça, car ce qui m’emmerde le plus c’est la routine. Mon métier me permet d’échapper à toute forme de routine. J’adore varier les plaisirs, les façons de jouer. 

Cet entretien a lieu en février 2024. Impossible de parler à un acteur sans évoquer tout ce qui se passe aujourd’hui dans le cinéma, entre Adèle Haenel, Benoît Jacquot, Gérard Depardieu, etc. Que vous inspire ce changement de monde et le fait que les langues se délient ?

Pfff. C’est compliqué pour moi de répondre à ça. Personnellement, je n’ai jamais été témoin de ça sur des plateaux. Quand des femmes souffrent et que la souffrance est avérée et reconnue, évidemment, je ne peux que me ranger derrière elles. Une femme ou un homme agressé(e), c’est absolument épouvantable. Je ne mets pas en doute le fait qu’il y ait des sales mecs, mais je ne mets pas non plus en doute le fait qu’il y ait des salopes. Faut quand même se méfier. Dans le lot, il y a parfois une volonté d’en découdre. Encore une fois, si la souffrance d’une femme est avérée par la Justice – pas par les médias – je suis de son côté. Il faut laisser la Justice, qui est équipée pour, faire son travail. Quand un mec est reconnu coupable, je suis à fond derrière les victimes. Tant qu’il est  présumé innocent, j’ai tendance à penser qu’il est présumé innocent, jusqu’à ce que la Justice me dise le contraire. Cela ne veut pas dire que je mets en doute les paroles des plaignants, mais il faut à mon sens raison garder. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le public a déjà délibéré avant même que l’action de la Justice débute.  

Je sais que vous êtes un grand amateur de Niort, mais le 16 juin, c’est à Poitiers que vous jouerez. Connaissez-vous cette ville ?

Bien sûr. D’abord parce que j’y ai déjà tourné, j’y ai déjà joué. Je suis ravi d’aller dans toute la France. C’est le but de mon métier. J’adore ça, aller à la rencontre des autres. J’ai tendance à penser que je vais à la rencontre de copains, puisqu’ils ont la bonne idée de payer pour venir me voir, ce qui est quand même vachement flatteur. Aller en province, c’est jamais une souffrance. Faire le métier de Molière, c’est aller partout et jouer ! L’été, quand on joue dehors pendant les festivals, ça devient même le paradis. 

Au fait, il y a quelques années vous aviez joué dans une joyeuse comédie intitulée « Bienvenue à bord » qui se passait sur un paquebot. Vous l’aviez tourné en studio ou en extérieur ?

C’était un super moment. On avait tout tourné sur un bateau de croisière. Nous étions partis six semaines, du Québec pour rejoindre New-York avant de faire toutes les îles des Caraïbes. Un mois et demi de tournage sur ce bateau, donc. Et je ne peux rien vous dire d’autre que : c’était bien cool ! 

@phil.lellouche

Stand Alone  – @republiccorner – 16/06/24 – Poitiers 

Interview @Albert_Potiron

Crédit photo : Arthur Unglik