Charlie Dalin / Julien Viroulaud
Les vagues à l’âme
Le 6 novembre prochain, alors que l’un s’élancera sur la Route du Rhum à bord de l’IMOCA APIVIA, l’autre entamera une préparation pour un tour du monde en 2025. Sur les pontons, ils se sont déjà croisés mais vite fait ! Pour J’adore Niort, ils ont pris la pause. Pas facile de les harponner!
Difficile d’en placer une quand ces deux là se mettent à parler voile. Charlie Dalin, skipper professionnel, 2e du Vendée Globe 2021, vainqueur de la Transat Jacques Vabre 2022, 1er de la Vendée Arctique en juin dernier… (la liste n’est pas exhaustive), est intarissable sur le sujet. Assis en face de lui, Julien Viroulaud ouvre grand ses oreilles ! Et pourquoi donc ? Qu’est-ce qui trotte dans la tête de ce Niortais, fan de voile ? « Je travaille à la Macif et c’est sur mon temps perso que je régate, que je monte des projets. Rien à voir avec Charlie qui lui, a fait de sa passion, son métier », précise Julien. Son projet à lui, c’est le Globe 40. Une course autour du monde en double, par les trois caps, les trois océans et par étapes. « Nous serons huit à réaliser et à nous ‘partager’ ce tour du monde au profit de l’Etablissement Français du Sang. C’est dans deux ans mais il faut déjà commencer à se préparer. Au delà de l’engagement solidaire, de l’aspect sportif, ce qui m’attire dans ce nouveau challenge voile, c’est que sur l’eau, le rapport aux autres et aux choses change. L’essentiel retrouve sa place : l’eau, le vent, la météo et le soleil uniquement ! ». Charlie acquiesce. Des tours du monde, il en a fait plus d’un si l’on cumule les milles qu’il a déjà parcouru et toutes ces composantes n’ont (quasiment) plus de secret pour lui !
Mais alors, c’est l’homme qui prend la mer ou la mer qui prend l’homme ?
« Moi la mer elle m’a pris mais pas quand j’étais tout petit. En fait, ça a commencé à l’âge de 11 ans, à bord d’un Optimist (1) autour de la presqu’île de Crozon, où j’ai de la famille. Mes parents n’étaient pas du tout des ‘voileux’ mais ils m’ont inscrit à un stage de voile et j’ai tout de suite su que je voulais rester à la barre ! ». Tête bien faite, appliqué et bosseur, Charlie obtient quelques années plus tard un bac scientifique option maths et file tout droit à Southampton, destination prisée des étudiants en architecture navale. Il en sortira diplômé, tout comme l’ont été, à cet endroit même, la crème des créateurs de voiliers. Au fil des années, tous ceux qui ont travaillé avec lui soulignent son côté méticuleux, son niveau d’exigence élevé, sa volonté permanente de tutoyer l’excellence. En même temps, ça à l’air de marcher ! « J’ai fait mes premières armes sur le circuit Mini. Ensuite, j’ai intégré le Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt et j’ai été sélectionné dans le cadre de la filière d’excellence du groupe Macif », explique-t-il. Ses bons résultats sur les podiums et son implication lui valent, en 2019, d’être choisi par Apivia Macif Mutuelle, mutuelle santé prévoyance du groupe Macif, implantée à Niort. Depuis, il enchaîne les victoires et ce n’est donc pas par hasard que la mutuelle a décidé de prolonger le partenariat avec Charlie jusqu’en 2026 ! Elle a misé sur le bon cheval. Et voilà, la Macif, Charlie, Julien, la voile, on fait la connexion !
« J’ai suivi les exploits de Charlie et avant lui, ceux de François Gabart. À la Macif on est plutôt branché voile (mais aussi rugby avec le Stade Rochelais) et ces gars, ils m’ont fait rêver », raconte Julien. «J’ai passé des heures à les regarder, des heures sur mon ordi à faire les courses virtuelles et je n’avais qu’une envie, partir en mer. La première fois que j’ai posé les pieds sur un bateau c’était à l’occasion d’un challenge voile organisé par ma boîte et à la barre, c’était Jean Bernard le Boucher (2) ». Si ce nom ne vous dit rien (à nous non plus !), Charlie lui, comprend pourquoi Julien a été séduit ! « Après, j’ai enchaîné les stages de voile, je me suis trouvé un petit équipage sur un 31.7 en Vendée et j’ai ensuite eu la chance d’intégrer un équipage de course au large, team Jolokia. Là, ça a pris une autre dimension. Il y avait là les vraies contraintes du large, la gestion de l’alimentation, de la fatigue, le travail en équipe… ». Le travail en équipe, c’est ce que souligne bien souvent Charlie. S’il affectionne tout particulièrement les courses en solitaire, derrière lui c’est une véritable « armée » qui se déploie : équipe technique, préparateur physique, coach mental, médecin, psychologue, nutritionniste… rien n’est laissé au hasard et il n’en faut pas moins pour viser l’excellence et passer les lignes d’arrivées en premier.
“Ces gars, ils m’ont fait rêver”
“C’est un métier très risqué mais ça fait partie du jeu”
Loin des podiums, Julien savoure les instants passés en mer. « Je n’ai pas fait le tour du monde, je n’ai pas passé le Cap Horn mais j’ai vécu des moments inoubliables sur l’eau ». Comme Charlie, les odeurs, les images restent gravées. En chœur, ils évoquent la magie du phytoplancton bioluminescent ou quand l’océan s’illumine en pleine nuit, le ballet des dauphins, les couchers de soleil… On en rêve mais derrière ces instants magiques, la voile, qui plus est en compétition, n’est pas un long fleuve tranquille ! Oui, ce que vivent les skippers sur un bateau est insupportable « pour une personne normale » : dormir à peine 4h par 24h, affronter les pires tempêtes mais aussi la chaleur parfois étouffante, supporter la solitude, vivre dans quelques mètres carrés, tenir physiquement… Malgré cela, Charlie ne se voit pas en héros. Le risque, toujours présent, n’est à ses yeux qu’une composante de son métier. « Au début, il y avait la fascination de la mer et ça s’est transformé en passion pour la voile. Une passion ce n’est jamais rationnel, j’ai le côté compétiteur. J’ai la culture du sport. Exploiter le vent et la machine pour aller le plus vite possible et trouver les routes les plus rapides, ça me fait vibrer. Alors oui c’est un métier très risqué mais ça fait partie du jeu », explique-t-il.
“Réussir à faire naviguer, ensemble, des personnes en situation de handicap et des valides et montrer qu’avec un handicap et notamment un fauteuil, on peut naviguer ! ”
Ce qui fait partie du jeu, c’est aussi s’engager et à ce titre, Charlie apporte son soutien à l’association Petits Princes pour n’en citer qu’une. « Moi aussi j’ai rêvé devant des aventuriers, des navigateurs. Mon but, ce n’est pas forcément de faire des marins en herbe mais de faire passer des messages et surtout de faire vivre à ces enfants gravement malades, des moments inoubliables. J’essaie aussi de leur dire qu’il faut croire en ses rêves ! ». Julien sourit : l’inclusion, l’engagement, c’est son leitmotiv. Parrain de nombreuses associations, il a également co-fondé, avec un autre niortais, Sébastien Bichon, l’association WE ARE Diversi’team. À leur actif, de nombreux projets dont l’ascension du Mont-Blanc avec 7 personnes que rien ne destinait à se rencontrer ni à relever un défi aussi sportif. Mais pour en revenir à la voile, deux mots sur un mystérieux bateau accosté dans le port de la Rochelle ! Sur l’Estrella lab, le cap est clair pour Julien et tout l’équipage : « Réussir à faire naviguer, ensemble, des personnes en situation de handicap et des valides et montrer qu’avec un handicap et notamment un fauteuil, on peut naviguer ! Très clairement dans un esprit d’accessibilité de bout en bout avec l’envie que tout le monde arrive à tremper les pieds dans l’eau ». Charlie, curieux, demande un peu plus d’explications à Julien mais le temps tourne et cela fait déjà 1h et demi qu’on papote tous les trois. Clairement, on a juste envie d’embarquer dans l’une de leurs aventures. Sur le point de partir, ils échangent encore 2,3 tuyaux et Julien souhaite bonne chance à Charlie. Le 6 novembre prochain, il prendra pour la première fois le départ de la Route du Rhum, avec des ambitions élevées. C’est sûr, ces deux là se reverront bientôt…
(1) petit bateau à voile d’environ 2 mètres de long et 1 mètre de large
(2) président de la classe Figaro Bénéteau
Crédits :
Interview @Amélie FC
@Charlie Dalin
@julienviroulaud
@Apivia Voile
@WE ARE Diversi’team