Anne Laure Bonnet
Liberté chérie
Anne Laure Bonnet, une pionnière dans l’univers du journalisme sportif, a brisé les barrières en devenant la première femme à présenter la Ligue 1. Passionnée dès l’adolescence par le sport automobile, elle s’est faite en grandissant une place de choix parmi les plus grands médias sportifs. Sa maîtrise des langues étrangères et son ambition lui ont permis de se démarquer, en interviewant les plus grands noms du football mondial. Aujourd’hui, Anne Laure Bonnet continue de réinventer son parcours et dirige toujours sa carrière d’une main de fer.
Parlez-nous de votre passion pour le sport automobile. Qu’est ce qui vous a attiré vers ce domaine dès l’adolescence ? Votre 1er souvenir de sport ?
Je me souviens d’un Grand Prix de Monaco gagné par Ayrton Senna en 1993, il n’était pas du tout le favori, et je me suis surprise à hurler toute la compétition, je n’avais plus de voix. Le scénario était particulier, il n’avait pas la voiture pour gagner et il a quand même gagné. Quand mes parents sont revenus à la maison, ils m’ont dit, mais qu’est ce que t’a fais, et je leur ai dit, rien j’ai juste regardé le Grand Prix. C’est lui qui m’a donné envie de découvrir le Brésil et d’apprendre la langue. J’avais des posters de Senna partout chez moi, et sa mort a vraiment déclenché ma crise d’adolescence.
Vous avez récemment rejoint Public Sénat pour animer une émission sportive « Sport, etc. », la seule émission consacrée aux relations entre sport et société. C’était important pour vous d’intégrer des thèmes sociétaux dans une émission de sport ?
J’ai beaucoup fait le terrain, je ne suis pas une retraitée hein (rires) mais j’ai vécu des choses extraordinaires, maintenant place aux autres. Ce que je veux, c’est associer le sport et les sujets sociétaux. Je me pose beaucoup de questions qui ne sont pas assez traitées, et Public Sénat traite ce genre de questions, essaie de donner des réponses, c’est ce que j’apprécie. J’ai cette liberté de choisir des sujets que j’aime.
Comment voyez-vous le fait que de plus en plus de filles s’impliquent et se sentent à l’aise dans le sport?
C’est une vraie force de mettre plus de filles au sport. Déjà ça nous apprend cette idée d’appropriation du corps. J’ai vu des filles changer, car c’est pas forcément un truc qu’il faut cacher, il ne faut pas, non. Tu existes. J’ai beaucoup d’espoir dans le foot féminin. Le foot, c’est le sport universel par excellence, et j’ai hâte de voir trois filles descendre de chez elle et aller faire du foot au city avec des copains, tous ensemble, parce qu’elles ont le droit, parce qu’ils lui auront laissé la place. Ça arrivera.
Qu’est ce que vous pensez de la politique d’il y a quelques mois, avec les élections législatives ?
On n’a pas laissé l’espace aux JO. La préoccupation de tous est à la politique, ça a été un tel séisme. Je trouve ça normal que les joueurs s’expriment sur ce qui se passe en ce moment. Ce qui est regrettable c’est que les partis politiques ont utilisé la voix des joueurs mais ça fait partie du jeu, c’est des personnages publics. Mais, oui, les sportifs ont un rôle à jouer. On doit tous faire notre militantisme au quotidien, pas que sur les réseaux sociaux mais comme à l’ancienne, en allant dans la rue. J’espère que la jeunesse qui n’a pas l’habitude de voter, a fait le bon choix.
Quelle est la différence entre être une femme présentatrice en France et en Italie ?
En Italie et depuis très longtemps, la femme est à la télévision, elle présente comme s’ils voulaient contrebalancer le machisme qui existe dans la société italienne. Elles ont beaucoup plus ce côté sororité qu’en France par exemple. C’est quelque chose qui est important, que j’essaie de garder de l’Italie, parce que plus il y aura de femme, moins on aura de pression et plus tout va s’équilibrer. C’est pour ça que je milite pour plus de présence féminine dans les médias sportifs français.
Pourquoi le sport est si peu crédible dans notre société par rapport aux USA par exemple et leurs infrastructures folles ?
En France, on pense que le sport, c’est la transpiration, on n’arrive pas à voir au-delà de l’aspect physique tous les bienfaits du sport. Je pense aussi que c’est parce que ce n’est pas une matière intellectuelle, on pense encore trop qu’il faut faire rivaliser la tête et le corps, c’est une grosse erreur. L’intelligence des sportifs, c’est quelque chose de très particulier et qui ferait du bien à toute la société, toutes les valeurs, c’est en quelque sorte un outil de paix. Je suis peut-être naïve, mais j’aime le fait qu’on puisse donner l’illusion qu’on peut tous vivre ensemble pendant des événements sportifs internationaux.
Aucun club ne vous a approché pour collaborer avec eux ?
J’étais encore trop journaliste. Je me suis déjà posé la question, j’ai cette envie de transmettre. Donc oui, c’est quelque chose qui me titille parce que quand je vois ce que la fédération de foot fait, j’ai envie de le partager, il faut le dire.
Vous n’êtes plus très active sur les réseaux sociaux ?
J’utilise plus trop X (ex Twitter), c’était trop violent, trop vulgaire. Les réseaux sociaux ça pose beaucoup de questions sur la façon de communiquer aujourd’hui, on fait beaucoup plus de communication que de journalisme. Aujourd’hui, tous les clubs ont de la com’ hyper carrée, mais il faut qu’ils nous montrent leur cœur, leur âme, leur humanité. Les sportifs ont malheureusement encore peur de ça.
Qu’est ce que vous pensez de la communication des sportifs?
L’algorithme lisse les sportifs. Ils ont de la personnalité, mais on leur demande de la lisser pour que ça passe beaucoup mieux aux yeux du public et je ne pense pas que ce soit ce qui leur faut. Leurs vidéos de com’ sont très belles, mais c’est trop lisse, il n’y a personne pour leur rentrer dedans, leur renvoyer la balle, ça manque de contradiction. On n’exprime plus autant de contradictions qu’avant, on ne les met pas face à leurs paroles qui ne sont parfois pas forcément très logiques.
Et sans MBappe aujourd’hui, ça vaut quoi la Ligue 1 ?
Il va beaucoup nous manquer. Personne n’était dupe, tout le monde se doutait qu’il allait partir. Maintenant, la ligue 1 sans MBappe, ce ne sera plus pareil et on va s’en rendre compte… Les Espagnols ont vraiment beaucoup de chance de l’avoir.
CRÉDITS :
Interview @ch_taker
Photos @lambert.davis