3615 Monique : dans les coulisses d’une série rétro-futuriste

3615 Monique : dans les coulisses d’une série rétro-futuriste

Tournée en Charente et diffusée sur OCS, 3615 Monique a réussi à imposer en deux saisons un univers singulier (les années 1980, les premiers sites de rencontre, etc.), ainsi qu’un ton inédit au sein du paysage sériel français. Rencontre avec ses deux producteurs, Antoine Le Carpentier et Emmanuel Wahl.

« La promesse de la série a toujours été celle-ci : retracer l’histoire fictive d’une certaine France, de la génération Minitel à la génération Internet. » Emmanuel Wahl 

Depuis 2020, 3615 Monique dresse le portrait fictif d’une France découvrant l’arrivée du Minitel. Quel a été le point de départ ?

Emmanuel Wahl : Tout est parti de notre envie de travailler avec Emmanuel Poulain-Arnaud, co-créateur et coauteur de la série. On a longuement réfléchi à un sujet que l’on pourrait développer ensemble et on s’est mis à parler d’un livre d’Aurélien Bellanger, La théorie de l’information, une biographie très romancée de Xavier Niel. De là est née l’idée de s’intéresser aux années Minitel.

Y a-t-il tout de suite eu l’envie de raconter cette histoire sur plusieurs saisons ?

Antoine Le Carpentier : Il a d’abord fallu vendre notre idée, ce qui a nécessité près de trois ans. À l’époque, il y avait un projet concurrent, centré également sur les années 1980 et le Minitel. OCS a longuement hésité, mais on a fini par emporter la mise. Notre chance, en fin de compte, c’était de pouvoir compter sur Simon Bouisson à la réalisation. Son bagage sériel, notamment sur Stalk ou Wei Or Die, ainsi que sa connaissance des fictions étudiantes ont clairement fait la différence.

Emmanuel Wahl : La promesse de la série a toujours été celle-ci : retracer l’histoire fictive d’une certaine France, de la génération Minitel à la génération Internet. L’ambition est donc d’étaler le récit sur trois saisons.

La série a été tournée en Charente. Pourquoi ce choix ?

Antoine Le Carpentier : C’est une région à laquelle je suis particulièrement attaché. En 2008, avec Dominique Besnehard, on y a créé le Festival du Film Francophone d’Angoulême. Aussi, j’ai eu l’occasion de produire quelques films tournés dans la région, comme Climats de Caroline Huppert ou Les éblouis de Sarah Suco. Avec le temps, j’ai donc appris à connaître les environs, la qualité du travail fourni par le Pôle Image Magelis, l’intérêt du département pour les métiers d’image, etc.

Emmanuel Wahl : Il faut également préciser que la première saison a été essentiellement tournée au sein du Campus de l’image, à Angoulême, dont le côté rétro-futuriste correspond parfaitement à notre histoire.

J’imagine qu’il est également moins coûteux de tourner à Angoulême qu’en Île-de-France…

Emmanuel Wahl : Oui, bien sûr ! Économiquement et logistiquement, tout est plus simple ici. Il faut quand même savoir que l’on doit tourner les épisodes dans un délai très court : 28 jours pour la première saison, 30 jours pour la seconde. Sachant qu’il y a dix épisodes par saison, il est préférable de trouver un endroit où les décors sont proches, où l’on n’est pas obligé de se déplacer aux quatre coins de la ville pour tourner une scène. Et puis, il faut le dire, Angoulême a beau accueillir un certain nombre de tournages, les techniciens ne donnent pas l’impression d’être blasés comme c’est parfois le cas à Paris. Ici, tous les professionnels engagés étaient de bonne volonté.

3615 Monique s’appuie sur un format de 20 minutes, traditionnellement réservé à la comédie. Qu’est-ce qui vous plaisait dans ce format ? L’intensité du rythme ?

Emmanuel Wahl : Fondamentalement, 3615 Monique est une comédie. Mais c’est vrai que ce format correspond bien à ce qui a été impulsé par Simon Bouisson lors de la première saison : des épisodes où les péripéties se multiplient et nécessitent donc une écriture basée sur le rythme.

Antoine Le Carpentier : On aurait aimé avoir un rythme tout aussi soutenu en termes de production, et donc ne pas devoir attendre deux ans entre la première et la deuxième saison, mais l’économie d’OCS ne permet pas d’avoir une salle d’écriture remplie de scénaristes afin d’accélérer le processus. Sur 3615 Monique, ils ne sont que trois…

« Sur OCS, il y a des contraintes financières, certes, mais on jouit d’une liberté créative totale, que l’on ne retrouve pas ailleurs. »  Antoine Le Carpentier 

Être diffusé par OCS permet toutefois d’aborder des thèmes (le porno, la sexualité) difficilement adaptés aux chaînes publiques, non ?

Antoine Le Carpentier : Oui, on peut clairement remercier OCS de nous offrir un tel espace d’expression. Ils ont une totale confiance en ce que l’on propose, en notre ambition et en notre façon de procéder pour donner vie à cette histoire. Il y a des contraintes financières, certes, mais on jouit d’une liberté créative totale, que l’on ne retrouve pas ailleurs.

Diriez-vous que cette liberté vous a rapidement permis de vous détacher de l’ouvrage d’Aurélien Bellanger, de vous servir de la réalité pour tendre vers la fiction ?

Emmanuel Wahl : 3615 Monique est effectivement très romancée. On s’appuie bien évidemment sur un contexte historique, mais le récit a très peu de liens avec la réalité des faits.

Antoine Le Carpentier : Il y a toutefois l’envie de s’amuser avec des personnages réels, comme Xavier Niel, Marc Dorcel ou Yannick Noah. Ce sont des madeleines de Proust pour les gens de notre génération, des références qui parlent à tout le monde, des personnages qui nous permettent de créer des marqueurs temporels tout en s’aventurant vers la fiction.

Emmanuel Wahl : L’idée, c’est finalement moins d’être réaliste que de raconter une époque, de créer un écho avec la période que nous vivons actuellement, ne serait-ce qu’à travers des problématiques communes liées à l’arrivée perpétuelle de nouvelles technologies.

CRÉDITS :

interview Maxime Delcourt

Crédits : 3615 Monique disponible sur OCS/Canal +