Frédéric Proust & Clément Fortin Success stories à la niortaise

Frédéric Proust & Clément Fortin
Success stories à la niortaise

Frédéric Proust et Clément Fortin ne s’étaient jamais rencontrés avant cette interview croisée pour J’adore Niort.

Une génération les sépare, mais de nombreux points communs les rapprochent : Canal +, les gens de la télé, l’humour, le succès, leur ville d’origine avec laquelle ils n’ont jamais coupé.

« J’ai dit à Eric (Judor, le chauve d’Eric et Ramzy, ndlr) que je vous voyais ce week-end. Il vous salue. Vous ne vous êtes pas vus depuis des années apparemment ».

Clément Fortin

On en apprend beaucoup avec ces quelques mots de Clément Fortin. D’abord que le courant peut passer entre nos deux invités qui ne se connaissent pas encore. On n’en doutait pas trop. Ce vouvoiement… ce n’est pas parce qu’on trempe dans le milieu branché de la télé qu’on en oublie le respect des ainés. Et puis il y a la référence à cet ami commun, une sacrée vedette.

« Eric… Oui, notre dernier contact date de l’époque où il a créé Platane*, ça remonte. »

interview croisée

« Le phénomène H a multiplié par 3 le nombre des abonnés de Canal + »

Effectivement, Frédéric Proust a très bien connu Eric Judor. Ils ont partagé l’immense succès de la série H à la fin des années 90. Fred était l’un des quatre co-scénaristes, avec Bruno Nicolini (alias Bénabar) qui pendant 4 ans et 71 épisodes de 22 minutes, ont écrit les dialogues ciselés des débutants Jamel Debbouze, Eric et Ramzy notamment. « H a explosé les scores. Avant, on prenait Canal uniquement pour le foot et le porno. Avec la série, Canal est passé de 1 à 3 millions d’abonnés. Les gens se rassemblaient les uns chez les autres pour regarder les épisodes », relate l’auteur.

Après l’époque des Nuls, des Decaunes/Garcia, des Guignols première mouture, Fred est l’un des membres de la 2e génération du versant comédie de Canal +. « Nous avons été formés au top de la sitcom. On était vachement fans de la nouvelle écriture des séries comme Friends ou Seinfeld … »

20 ans plus tard, l’histoire n’est pas finie pour H. Un film est en préparation. « Je sais que Jonathan Cohen est dans le coup. Nous avons juste été contactés pour nous dire qu’on ne serait pas consulté. L’aventure se poursuit sans nous… »

Début 2000, tout occupé à son adolescence, aussi pexinoise que tumultueuse, Clément Fortin est encore loin d’envisager la télé comme avenir professionnel. « On savait qu’il y avait du Niortais dans H », se souvient-il. Les allusions à la ville ne passaient pas inaperçues sur les bords de Sèvre.

Quotidien était l’émission en vogue

Son heure viendra deux décennies plus tard. Clément et son complice Florent Pinget vont défrayer la chronique avec le Flash Club, des détournements hilarants de scènes cultes du cinéma. « On a d’abord fait notre truc entre potes pendant 6 mois ». Puis la proposition de Quotidien, l’émission en vogue de Yann Barthès, est tombée. « On connaissait quelques personnes là-bas, dont le producteur Laurent Bon. Nous sommes en 2018, le rendez-vous hebdomadaire cartonne. Face au succès, la production leur demande quelques aménagements. Le duo refuse d’enchainer sur une 2e saison, d’autres projets viendront…

« On a dit des horreurs mais jamais la direction de canal ne se serait permise de mettre son nez là-dedans »

« Avec Florent, on n’a jamais fêté le fait d’être pris par Quotidien. Dans ce milieu tu sais pertinemment que tu es pris pour une émission un jour mais tu peux arrêter au bout de deux mois. Y’a des mecs qui font deux apparitions et qu’on ne revoit pas. »

L’époque est à l’éphémère et à la bien-pensance. Quand on fait de l’humour, ça rend les choses on ne peut plus fragiles. « Si un mec dit un truc un peu limite sur le plateau, il faut l’écarter, ça va très vite. Nous sommes arrivés dans l’époque où l’humour devenait très sensible au politiquement correct. Exemple : attention, c’est la journée de la femme dans deux jours, pas de vannes là-dessus… ».

Frédéric acquiesce, lui qui a vécu la période où les patrons s’appelaient De Greef et Lescure : « J’hallucine sur ce que devient Canal +. On a dit des horreurs sur plein de sujets, tout le monde a pris cher mais pas une seconde l’idée de la censure n’a été imaginable. Jamais la direction ne se serait permise de mettre le nez là-dedans ».

De cette forte contrainte, les plus vivaces développent une créativité nouvelle. « Certains viennent d’ouvrir une porte. Je pense à Jérémy Galan qui travaille avec Jonathan Cohen sur la série La Flamme*… J’ai d’ailleurs un projet d’émission avec lui. Les gars y vont fort mais c’est amené d’une certaine manière… il est très difficile de mal le prendre. C’est le résultat de beaucoup de travail », précise Clément.

« Tu peux tomber sur une pépite en prenant ton café. »

Et quid de ce bouillonnement permanent ? Ce flux continu du streaming, de la VOD, qui nous proposent une nouvelle série par jour ou presque ? « A l’époque il y avait deux familles pour l’humour, pose Fred. Le grand public, les Grosses Têtes et à côté les branleurs… Nous on était classés avec les rigolos, insolents… C’était comme ça. Ce qui est intéressant aujourd’hui c’est qu’on peut tomber sur une pépite devant son ordinateur en prenant son café. »

Clément, 36 ans fait « encore partie de la génération où on allait au cinéma une fois par mois. C’était parfois moyen mais il y avait un rendez-vous. Aujourd’hui on est dans le fast food. Pour travailler, le côté notoriété par internet a changé beaucoup de choses. Avant il y avait peu d’élus. Maintenant n’importe qui peut se retrouver sur un plateau. Mais pour marquer c’est aussi une histoire de rigueur, de réseau et de présence. »

« Et là tu dis aïe ! »

Des comédies avec des membres des Robins des Bois, son propre long métrage 12 ans d’âge avec Berléand et Chesnais en 2013, des projets à venir avec Kad et Olivier… la comédie au cinéma occupe toujours une place de choix pour Frédéric Proust. Preuve qu’il y a encore une vie possible sans internet pour les auteurs. Son actualité se situe aussi sur les planches avec le succès de sa première pièce Donnant-Donnant. « La tournée a été annulée à cause du confinement. Mais elle a été traduite dans six pays et fait l’objet d’une captation pour la chaîne Comédie. Ca fait de petites audiences pour la télé mais de grosses pour le théâtre ».

Pour Clément c’est parti un peu de travers. « On avait signé un super contrat avec Allo Ciné. On pouvait faire des parodies et des vidéos à l’occasion de sorties cinéma en partenariat avec Paramount ou Universal. Chose qu’on avait déjà faite pour Mission Impossible 3. Le contrat de rêve, car Allo Ciné est chez Webedia (énorme société qui rassemble la plupart des Youtubeurs, ndlr) et de temps en temps tu peux faire les sketchs avec les comédiens du film. C’est comme ça que des Youtubeurs ont fait des trucs avec Will Smith. Pour nous c’était fou ! Ca devait commencer le 15 mars 2020… Et là tu fais aïe ».

Ce projet est donc mis en stand by et a laissé place à d’autres : « Avec Jérémie Galan et le comédien Arthur Pillu-Périer, nous avons créé Samouraï, un truc strictement internet, des images qu’on détourne. Et ça a super bien pris. J’ai une boite de production avec laquelle je fais de la direction artistique pour des musiciens comme Vladimir Cauchemar. Et j’ai fait mon premier casting pour du cinéma français. Mais je le fais cool. Je ne suis pas du tout en stress sur le fait de ne pas avoir de visibilité. »

Et Niort, c’est fini ?

« Moi j’en suis parti tard, il y a dix ans, indique Clément Fortin. J’ai toujours adoré dans le sens où j’ai fait les 400 coups ici. J’ai plein de copains, j’aime bien la ville en elle-même. Et culturellement, c’est un peu plus touffu qu’avant. J’ai des projets pour ici. »

Pour Fred c’est « une ville qui a généré beaucoup de gens qui ont choisi de s’orienter vers l’artistique. Un exemple, l’actuel n°3 de Gaumont, Thierry Laurentin, est de Niort. Cela peut s’expliquer par le fait qu’on avait un cinéclub ici. On pouvait voir tous les films hors du circuit classique, comme Orange mécanique à sa sortie… J’habite ici depuis quelques année, je dirais qu’iI y manque juste une petite salle de spectacles, avec un bar à l’entrée, où on pourrait découvrir des talents sur scène, quelque chose de chaud. »

NDR

  • *Platane : Sitcom en 3 saisons, de et avec Eric Judor, sortie en 2011 sur Canal +.

  • *La Flamme : Sitcom de et avec Jonathan Cohen, sortie en 2020 sur Canal +.