OXMO PUCCINO & YARON HERMAN L’accord parfait

OXMO PUCCINO & YARON HERMAN
L’accord parfait

Depuis leur première rencontre, le rappeur et le pianiste se croisaient régulièrement sur scène mais ont attendu cette année pour enfin enclencher une association durable, avec une tournée qui passe par le Niort Jazz Festival. Au programme, des chansons piochées dans toute l’histoire d’Oxmo Puccino, avec le piano de Yaron Herman comme seul accompagnement. Un duo à l’épure et l’émotion, qui solidifie encore les liens entre rap, poésie et jazz.

Quel a été l’élément déclencheur de votre tournée ?

OP : C’est une proposition qui tombe bien par rapport à nos plannings. Travailler avec Yaron reste une garantie d’aventure, de découverte, car à chaque fois, je ne sais pas trop où je vais. Le fait d’être sollicités pour des concerts m’a donné l’idée d’un set moins improvisé et plus impressionnant au niveau de la structure. Se revoir a fait naitre encore plus de complicité dans le jeu, chose qui ne pouvait arriver car nos concerts n’étaient que des « one-shots », avec peu de répétitions, du plaisir pris sur l’instant présent, et ça suffisait.

C’est excitant de travailler avec un virtuose comme Yaron ?

OP : Je le prends comme un challenge. Ça fait à présent trente ans que j’écris, que je compose des chansons. J’arrive à un moment de ma vie où je ne suis que dans la recherche, la prise de plaisir. Lorsque je travaille avec des virtuoses, je suis dans l’extase, la conscience de l’instant présent, sans être dans le souvenir. C’est un moment particulier de transe, de ces choses qui me permettent d’apprécier encore plus grandement la musique.

Et puis les collaborations, ça te connait !

OP : C’est ce qui m’a construit artistiquement, car je suis revenu de chaque rencontre avec un peu de la recette pour mon propre univers. C’est ainsi que je me renouvelle assez souvent, sans perdre le fil. Ce sont les gens que vous rencontrez qui vous font en vous laissant quelque chose.

Yaron, quel est ton rapport au rap ?

YH : C’est très simple de mettre les artistes dans des cases mais la réalité l’est beaucoup moins. Comme beaucoup de musiciens, on est vite catalogués, moi en tant que pianiste de jazz ou Oxmo comme artiste rap, ceci pour des raisons commerciales évidentes, afin d’être identifiés. Mais dans la vie de tous les jours, on est passionnés par plein d’autres musiques. J’ai grandi en écoutant du rap avant même du jazz d’ailleurs, ainsi que d’autres musiques très différentes.

D’autant plus que le rap et le jazz sont liés depuis la nuit des temps !

OP : Le rap est un jeune parent du jazz. Cette prise en compte change le rapport à ces musiques, cela enclenche un voyage merveilleux. Ça permet de remonter historiquement au rock, au blues, à la soul… Le jazz a d’ailleurs toujours été lié au rap. Des producteurs hip-hop comme DJ Premier ne samplaient que du jazz. Beaucoup d’auditeurs de rap se sont fait une culture jazz en lisant les crédits des samples sur les pochettes, puis en découvrant des artistes dont n’avait été retenues que quatre ou cinq secondes de leur musique. À la fin de sa vie, Miles Davis avait d’ailleurs commencé à travailler avec le producteur new-yorkais Easy Mo Bee. Le jazz ne fait qu’exprimer d’une manière sophistiquée ce que disent le blues, le rock et le rap. C’est la même émotion, qu’on appellera mélancolie, nostalgie ou saudade selon les pays. Toutes ces musiques viennent d’Afrique, sont issues de l’esclavage, car quel que soit le parcours de l’Homme, il a toujours emmené sa musique avec lui, c’est toute une mémoire qu’il porte. Quand je me suis tourné vers le jazz, ça m’a fait l’effet de retrouvailles avec une histoire qui ne m’avait pas été racontée.

YH : C’est une chaine qui existe depuis des centaines d’années, voire plus. La musique est l’expression d’une émotion présente chez l’Homme depuis la nuit des temps. Seuls les moyens de l’exprimer changent selon le contexte historique, et c’est ce que l’on cherche : une expérience ensemble, la partager, qu’elle soit forte et nous transforme.

Comment avez-vous choisi les chansons embarquées sur scène ?

OP : Avec Yaron, rien n’est impossible. Le choix des morceaux se veut assez large en termes d’émotions, pour explorer toute la palette humaine dans le temps imparti. Tout en respectant une certaine cohérence pour ne pas partir dans tous les sens au niveau des sujets abordés ou des histoires. J’écris dans le but de toucher et ceux qui ne s’y attendent pas peuvent être surpris car je n’ai pas des textes légers. Parfois, j’épargne le public mais pas sur cette tournée.

En plaçant un artiste dans une catégorie, on le limite, on ferme la porte à des découvertes, à des rencontres. Quand on évoque le mot rappeur, on n’imagine pas des textes sur la mort, la vie, la parentalité, la violence. J’ai des chansons drôles, tristes, introspectives, dansantes… et il faut parvenir à un bon équilibre. J’aime bousculer les a priori, en particulier pour les personnes qui n’ont pas l’habitude de mes concerts mais me disent, les yeux grands ouverts : « je ne m’attendais pas à ça ». J’aime surprendre par des sujets très forts, que les gens soient marqués par les textes, par notre cohésion.

Pour toi Yaron, quel a été ton challenge sur ce projet ?

YH : La difficulté réside dans le fait que le jazz est une musique très volubile, dense, avec beaucoup d’informations sans qu’il y ait de texte. Le rap est basé sur le rythme, moins sur l’harmonie et la mélodie. En tant que pianiste, je dois tenir le rôle de section rythmique pour à la fois maintenir le beat et proposer différentes fenêtres d’exploration avec goût. C’est une joie de faire un pas de côté pour découvrir d’autres univers et être amené à des recherches sous la contrainte créatrice.

Un dernier mot ?

YH : Hâte de découvrir Niort et le public du Niort Jazz Festival, c’est ma première fois dans la ville !

Oxmo Puccino

Yaron Herman

Par Pascal BERTIN